Page 12 - MOBILITES MAGAZINE N°57
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 A la Une
burants fossiles, l’impact de ce changement sur les industries de la mobilité fera sans doute plus fi- gure de tsunami que d’évolution progressive. Par nature, un tel phé- nomène, trop rapide, ne donnera pas à tous la possibilité de s’adapter. Au niveau des constructeurs, ceux qui étaient motoristes sont bien entendu les plus impactés, puisque c’est toute leur chaîne de produc- tion, mais aussi de conception, qui est remise en cause. Ces choix po- litiques les mettent en état de dé- pendance, ou en font des proies pour les industriels(3), chinois pour la plupart, qui produisent à minima les éléments constitutifs des bat- teries, voire plus, et dont les usines sont, par exemple en Chine, ali- mentées en électricité par des cen- trales fonctionnant majoritairement au charbon. Autant dire que le bilan carbone de tout cela devrait être pour le moins critiquable, à défaut d’être franchement criti- qué... Que penser par ailleurs de la dépendance au gaz russe de l’Al- lemagne dénucléarisée, devenue de ce fait un lilliputien politique et diplomatique dans la dernière crise internationale en date, celle de l’Ukraine ? Nous étions précédem- ment presque impuissants face aux caprices des producteurs de
pétrole (et nous risquons de l’être toujours, car personne ne croit vrai- ment à la disparition du poids des carburants fossiles à court terme). A cette faiblesse, s’ajoute désormais pour l’Europe le poids des fabricants asiatiques de composants électro- niques et de batteries, et ceux des producteurs de gaz... Pas sûr que nous gagnions au change.
Enfin, si l’univers policé des trans- ports collectifs ou des poids lourds est sans doute plus discret que ce- lui de l’automobile, les propos ré- cents de Carlos Tavares, PDG de Stellantis, évoquant notamment la future interdiction à la vente des moteurs thermique en 2035 (c’est- à-dire demain) sont sans appel. « Interdire une technologie n’est pas une solution rationnelle à ce stade (...) Toutes les options, y compris les moteurs thermiques très efficaces, les hybrides et les véhicules à hydrogène doivent jouer un rôle dans la transition vers la neutralité climatique », expli- quait-il le 18 janvier 2022. Les cen- taines de milliers d’emplois qui disparaîtront dans les années à ve- nir du fait de cette interdiction ne seront pas remplacés poste à poste par l’électrification (on parle, à minima, de 3 pour 5). Que dire par ailleurs des millions de per-
1) GWh : mesure énergétique correspondant à la puissance par heure en Gigawatt.
2) ARENH : Accès régulé à l'énergie nucléaire historique. 3) Le démantèlement du groupe Daimler effectif depuis décembre 2021 ne doit pas être analysé autrement puisque, pour faire face aux investissements colossaux en faveur de l'électromobilité, il fallait artificiellement augmenter la valeur boursière du groupe en le scindant. Cela a permis, parallèlement, la montée au capital du Chinois SAIC dans Mercedes-Benz et de Geely dans Daimler Trucks. Le groupe Geely étant également propriétaire de Volvo Cars et actionnaire de plus en plus présent au capital de Volvo AB (regroupant les activités camions, autocars et autobus du groupe Suédois). 4) Les élus Montpelliérains ont renoncé aux investissements en faveur d'une ligne BHNS à l'hydrogène en faveur d'un projet reposant sur des autobus électriques à batteries. Ceci pour des questions de coût.
5) Zones à Faibles Emissions, inscrites dans la loi LOM, et Zones à Trafics Limités (une piétonisation qui ne dit pas son nom) si chère à la mairie de Paris.
sonnes chassées des centres-villes par les ZFE et les ZTL(5) ? Ou encore des entreprises comme celles du transport routier de voyageurs, qui n’ont pour l’instant aucune solution de rechange pour leurs autocars de tourisme ? Non seulement ces dernières verront la valeur de leur parc actuel fondre sous le signe de l’inadaptation à la réglementation du moment, mais elles n’auront sans doute pas les moyens d’in- vestir dans les futurs véhicules électriques ou hydrogène qu’on leur réclame. Par ailleurs, qu’en sera-t-il exactement lorsque le ro- binet des subventions cessera de couler ? Un moment charnière qui pourrait arriver plus vite que prévu avec un endettement français à plus de 115 % du PIB et une infla- tion qui revient... Les collectivités auront-elles encore longtemps les moyens de leurs ambitions écolo- giques ? La révision des ambitions de Montpellier à ce sujet(4) est une première alerte. Au détriment de quels autres postes les sommes colossales que cette transition mo- bilise seront-elles détournées ? Le sous-investissement dramatique de ces dernières années dans le nucléaire, au seul profit des renou- velables/intermittents, est déjà révélateur du problème... Autant de questions qui n’appellent guère de réponses concrètes, puisqu’il faut « sauver la planète »... Mais qu’en sera-t-il de ceux qui la peu- plent ?
« L’électrification est la technologie choisie par les politiques, pas par l’industrie (...) Il y avait des mé- thodes moins chères et plus rapides pour réduire les émissions que celles-là », concluait Carlos Tavares. Seul l’avenir dira qui avait raison, et à quel prix. z
PIERRE COSSARD
(Une excellente source d’analyse sur l’avenir de l’énergie en France est à découvrir dans le magazine Transitions & Energie, notam- ment dans le N°11 – hiver 2022).
 12 - MOBILITÉS MAGAZINE 57 - MARS 2022
 






















































































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