Page 15 - MOBILITES MAGAZINE N°59
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    RÉFORME/ FERROVIAIRE
       position des rapporteurs se fonde sur leur opinion qui rejoint celle de l’ART (Autorité de Régulation des Transports) et selon laquelle « SNCF Réseau ne dispose pas des moyens financiers et de gouvernance propre à garantir la bonne réalisation, en toute indépendance, de ses mis- sions ».
Position qui repose aussi sur leur conviction, politique celle-là, illus- trée et détaillée dans le rapport par certains exemples étrangers déjà connus, de la chance que repré- senterait pour le système ferroviaire l’ouverture à la concurrence. Parce « qu’elle constituera un aiguillon pour stimuler les gains de perfor- mance de la SNCF [et qu’elle doit] générer un cercle vertueux financier qui rendra le système ferroviaire économiquement plus viable ». Mais dans le contexte français, « les relations financières qui existent entre SNCF Réseau et SNCF Voya- geurs [...] sont susceptibles d’instiller un doute dans l’esprit des nouveaux entrants quant à la totale impar-
tialité de SNCF Réseau ». En raison du fait auparavant évoqué et dé- taillé longuement au fil des pages, « qu’une partie des financements de SNCF Réseau dépendent direc- tement des résultats de SNCF Voya- geurs ».
C’est pourquoi, cette fois encore en phase avec le régulateur (10), les deux rapporteurs considèrent que ce manque de garanties d’indé- pendance du gestionnaire d’infra- structures est l’une des « principales faiblesses de la réforme [dite] “Pour un nouveau pacte ferroviaire” de 2018 ». Cette réforme rendrait même les investissements décidés par SNCF Réseau « tributaires de la stratégie de financement définie par la holding du groupe SNCF ». C’est pourquoi ils s’alignent sur le point de vue de l’ART selon laquelle « l’organisation actuelle [du sys- tème ferroviaire] ne doit être qu’une phase transitoire ». Compte-tenu de ces analyses, une nouvelle réforme ferroviaire ap- parait nécessaire, voire même serait quasi-incontournable dans un avenir proche. Aussi et surtout, semble- t-il, pour la réussite de l’ouverture à la concurrence. Comme dans le cas de toutes les précédentes réformes, conviendrait-il toutefois de constater rétrospectivement. On se trouverait donc dans une situation qui fait très fortement penser à l’image de ce serpent qui se mord la queue.
Puisque cette indépendance reven- diquée pour le gestionnaire d’in- frastructures a d’abord été initiée par la directive européenne 91-440 déjà évoquée plus haut. Elle avait pourtant été rapidement suivie de la promotion insistante du modèle de la réforme ferroviaire allemande de 1994. Qui, à l’inverse, intégrait ce même gestionnaire DB Netz dans le groupe ferroviaire historique reconfiguré en DB-AG. Avant que l’Europe, les politiques allemands et, sans doute la pression accrue
des nouveaux opérateurs ferro- viaires, ne reconsidèrent plus po- sitivement l’intérêt d’une indépen- dance de DB Netz.
Quitte à tendre, mais sans le dire, vers une sorte de retour à une si- tuation antérieure historique qui était d’ailleurs commune aux pays d’Europe centrale, et dans laquelle, comme dans le cas des voies d’eau et des routes, les infrastructures ferroviaires étaient essentiellement gérées par l’État.
Et encore l’histoire de ce fameux serpent... z
MICHEL CHLASTACZ
1) Au milieu des années 1970, l’État a refusé de financer la LGV Paris-Lyon et incité la SNCF à emprunter sur le marché des « eurodevises » (un panier de monnaies) en profitant alors de la faiblesse du dollar. Mais la monnaie américaine a ensuite fortement remonté et l’État n’a pas voulu compenser le différentiel. Ce serait ainsi le noyau d’origine de la dette SNCF...
2) Le rapport estime que « les péages ferroviaires français ont un coût disproportionné par rapport à nos voisins européens [ce qui] est un frein
au développement du ferroviaire. Ce n’est pas exact au point de vue du fret et n’empêche pas pourtant une situation désastreuse et une faible part modale...
3) Il s’agit d’un arrêt brutal. Puisque de 2015 à 2019, le chiffre d’affaires de SNCF Voyageurs avait progressé de 9 % « tiré » à la fois par les TER (+ 26 %), le Transilien (+ 15 %) et les TGV (+ 13 %). Alors qu’en même temps les recettes des trains Inter Cités avaient plongé de 40 %. Mais c’était en raison de la réforme de 2016 qui cédait l’essentiel des activités à certaines des Régions.
4) S’ajoute, hors propos ici, la situation de Fret SNCF totalement sous perfusion de l’État alors que le groupe SNCF a repris sa dette. Et qu’en dépit d’une embellie en 2021, Fret SNCF reste handicapé par « l’ancienneté de son matériel roulant qui pèse sur la rentabilité et la compétitivité de la société » selon le rapport.
5) On connaît le comparatif entre Vallée du Rhin et Vallée du Rhône. Avec de mêmes infrastructures (une LGV plus deux lignes classiques dont une dédiée fret) le débit journalier est presque de deux fois inférieur en France à celui de l’Allemagne. Alors que la ligne dédiée fret allemande accueille également des trains régionaux cadencés à l’heure...
6) Le rapport évoque ainsi les coûts cumulés des conséquences de l’interdiction du glyphosate pour le désherbage des voies, de la rénovation des ouvrages d’art et des ouvrages en terre ainsi que l’intégration dans les plans de régénération du réseau de quatorze lignes dans le réseau national structurant et qui étaient auparavant confiées aux régions. S’ajoutent 100 M€ pour les matériels des trains de nuit, 300 M€ pour les lignes de desserte fine du territoire et 250 M€ destinés aux infrastructures de fret.
7) En 1996 cette productivité était respectivement comparable et supérieure à celle de ses homologues Suisse et Allemand. Tandis qu’en 2018 elle leur était inférieure de 33 % et de 22 % selon une étude citée dans le rapport.
8) Une dérive des projets notamment mise en lumière par l’explosion de la facture (+ 45 %) des coûts du prolongement du REE-E à La Défense qui était initialement estimée à 3,7 Mds€.
9) Parmi lesquelles, amplifier le rythme de réductions d’effectifs à 2 % par an pour économiser 2,6 Mds€ d’ici 2026, renforcer la polyvalence des personnels, mette en place une politique tarifaire accessible et transparente, porter l’effort de régénération annuel à 3,8 Mds€, réduire les péages et accroitre le rôle stratégique et financier de l’État.
10) Selon l’ART, la réorganisation du groupe SNCF a même fait reculer l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures qui dans ces conditions aurait perdu la capacité de se financer de manière autonome sur les marchés, puisque la maison mère est l’émetteur unique d’obligations du groupe.
  MOBILITÉS MAGAZINE 59 - MAI 2022 - 15








































































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