Page 29 - MOBILITES MAGAZINE N°59
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 Technologies & innovations
u plomb dans l’aile ?
  Les gigafactories, oui mais...
Ne nous trompons pas, c’est bien le marché de l’automobile qui attire en premier lieu les investissements dans la construction d’usines de batteries, les fameuses gigafacto- ries. Mais, à termes, c’est bien toute la chaîne des transports qui pourrait bénéficier de cette production. La liste des investisseurs européens qui se lancent dans la construction d’usines de plus de 30 GWh est im- portante (on évoque régulièrement 16 projets en voie de réalisation). Northvolt en Suède (et en Alle- magne avec Volkswagen), Saft (avec Stellantis) en France et en Allemagne, FAAM en Italie, Vektor (avec Renault et Schneider) en France, Freyr (en Norvège), etc. Force serait donc de constater que l’Europe prend conscience de ses besoins d’indépendance quant à cette production.
Cependant, le très médiatisé projet de Tesla, qui construit près de Berlin une gigafactory de 100 GWh se développe en partenariat avec... Panasonic.
Moins médiatisés sont par ailleurs les autres projets asiatiques sur le Vieux Continent, qui battent tout de même en brèche la vision iré-
nique d’un Airbus européen des batteries totalement indépendant. Ainsi, les sud-coréens vont-ils construire des usines en Pologne et en Hongrie. Quant aux Chinois, ils sont déjà parties prenantes dans quatre usines en Allemagne, mais aussi dans la future usine construite par Renault à Douai (avec Envision AESC).
Les points d’achoppement
Si le lancement de ces chantiers va sans nul doute dans le bon sens en termes de souveraineté indus- trielle de l’Europe, quelques écueils non négligeables viennent tout de même tempérer l’optimisme en la matière. Outre la capacité des eu- ropéens à rattraper certains retards technologiques pris sur leurs concurrents asiatiques, la directive européenne 2006/66/CE pourrait aussi freiner le décollage de cette industrie. Cette dernière exige en effet le recyclage d’au moins 50 % des matériaux contenus dans les batteries et les accumulateurs usa- gés, et l’utilisation d’une partie de ces mêmes matériaux recyclés pour la fabrication des batteries neuves. L’industrie du recyclage des batte- ries de traction étant aujourd’hui
*Automotive Cells Company (France), BASF (Allemagne), BMW (Allemagne), Elemantal (Pologne), Endurance (Italie), Enel X (Italie), Eneris (Pologne), FAAM (Italie), Fortum (Finlande), Kaitek (Italie), Keliber (Finlande), Nanocyl (Belgique, SEEL (Suède), Solvay (Belgique).
embryonnaire, et de toute façon largement sous-dimensionnée par rapport aux besoins à venir, il va aussi falloir créer, presque de toute pièce, une chaîne industrielle com- plète. Un travail au long court dont on mesure encore mal l’ampleur, notamment en matière d’investis- sements et de savoir-faire, mais qui pèsera à n’en pas douter sur le coût final des batteries produites en Europe.
Le dernier écueil indentifiable au décollage de l’Airbus des batteries est celui des matières premières, et il est de taille. Là encore, quelques chiffres simples permettent de me- surer facilement une autre voie d’ex- trême dépendance choisie par l’Union européenne pour sa transi- tion énergétique. Selon certains ex- perts, l’UE importe 100 % du li- thium, 86 % du cobalt et 98 % du graphite dont elle a besoin pour cette industrie. En ces temps géo- politiques particulièrement trou- blés, cette réalité devrait être plus clairement prise en considération. D’autant que les échéances an- noncées (2030) apparaissent une fois de plus comme très (trop ?) rapprochées... z
PIERRE COSSARD
 MOBILITÉS MAGAZINE 59 - MAI 2022 - 29
  




















































































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