Page 22 - Mobilités Magazine Thématique N°8
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  Mobilités
magazine
Thématique
  Des industries passées en trente ans de la « dictature du plan » au « choc du marché »
Avant 1990, l’industrie fer- roviaire dans les pays d’Eu- rope centrale soumis à l’économie planifiée était organisée nationalement, et également à l’échelle de l’ensemble de la zone géographique intégrée, dans le CO- MECON, donc hors l’ex-Yougoslavie
(1)
et l’Albanie . Dans ce contexte, la
production et surtout les échanges internationaux de matériels ferro- viaires étaient réglementés dans le sens d’une spécialisation des états membres par types de pro- duits.
Dans l’ex-Tchécoslovaquie, l’indus- trie ferroviaire associait les « kon- cern » Skoda (locomotives et au- tomotrices électriques), CKD (tram- ways) et Tatra (autorails et auto- motrices diesel), qui exportaient leurs productions dans la plupart des pays du COMECON. Principa- lement dans l’ex-URSS qui a acquis entre trente ans plus de 2400 lo- comotives électriques Skoda, tandis que près de 13 000 tramways CKD- Tatra ont été exportés également durant la même période 1960-1990 dans tous les réseaux des pays du
(2) Bloc,hormislaPologne .
En regard, l’industrie ferroviaire soviétique a exporté dans l’ensem- ble des pays du COMECON et dans la plupart des pays associés (Cuba, Mongolie et Corée du Nord) près de 2600 locomotives diesel-élec- triques de 1472 kW dites généri- quement « M 62 ». Produites dans le complexe ukrainien de Lugansk (ex-Vorochilovgrad) de 1964 à 1990 à plus de 7000 exemplaires, ces C°C°, qui existaient aussi en versions 2M 62 doubles et 3 M 62 triples, ont essaimé à 3000 exem- plaires dans tous les pays du Bloc et dans les réseaux ferrés états affiliés - de Cuba à la Corée du
Nord en passant par la Mongolie
extérieur- tout en héritant locale-
ment de surnoms liés à leur ori-
(3) gine .
Les industries ferroviaires de l’ex- République Démocratique Alle- mande ne produisaient des loco- motives électriques que pour ses
(4) propres besoins sauf exception
mais elle exportait ses voiture-lits
dans l’ensemble des pays du Bloc
de l’Est et ses voitures voyageurs
régionales et de banlieue à deux
niveaux en Hongrie, en Pologne
en Roumanie et en Tchécoslova-
(5) quie .
Les constructeurs polonais « Pa- fawag » (locomotives et automo- trices électriques), « Ciegelski HCP » (locomotives électriques et diésels et voitures voyageurs), « Konstal » (tramways) et « Fa- blok » (locomotives diésels) four- nissaient leur important marché national, mais ils n’exportaient leurs matériels que dans des pays tiers (ex-Yougoslavie, Maroc, Liban). Même situation en Hongrie, où le groupe « Ganz Mavag » (locomo- tives et automotrices électriques et diesel) approvisionnait le mar- ché ferroviaire local et hormis des rames diesel régionales vendues à l’URSS, n’exportait qu’hors des pays du COMECON, notamment en Yougoslavie, en Nouvelle-Zélande et en Tunisie.
Alors que le constructeur roumain « Electroputere », qui construisait pour le marché intérieur des loco- motives électriques sous licence suédoise ASEA et locomotives dié- sels sous licence suisse Sulzer, a exporté des machines diesel en Pologne et des locomotives élec- triques en Bulgarie et en Yougo- slavie.
en grandes voire en très grandes séries avec une extrême standar- disation étaient des caractéris- tiques fortes et communes à la plupart des productions de ces constructeurs, une force paradoxa- lement inspirée dans ce domaine de l’expérience industrielle des Etats-Unis des années de guerre. Pour ne citer qu’un seul exemple, on constate que les puissantes lo- comotives électriques C°C° série ET 22 des Chemins de fer polonais construites par Pafawag en 1189 exemplaires (plus 23 exemplaires pour l’ONCF marocain) de 1978 à 1988, formaient la plus grande sé- rie des matériels des réseaux alors membres de l’UIC ! Ces productions de masse partageaient aussi une certaine obsolescence, consé- quence de la lenteur d’appropria- tion des innovations, voire même du manque dans ce domaine. Un handicap majeur des systèmes centralisés et planifiés, qui s’ac- compagnait d’une faible producti- vité du travail. Comme d’une pe- santeur politico-administrative qui limitait les initiatives en provenance d’entreprises à l’initiative et à l’au- tonomie bridées par la planification. Ce qui explique qu’au tournant des années 1990, après l’effondrement du système communiste, la plupart de ces constructeurs ferroviaires qui avaient été formatés depuis quatre décennies dans le cadre de l’économie planifiée, n’ont pas été en état de supporter le choc de l’entrée dans le marché mondial. Aussi, ils ont pu alors être acquis par les groupes de l’industrie fer- roviaire européenne qui ont pu alors obtenir aux meilleurs prix une infrastructure sans doute à rénover mais aussi une main-d’œuvre qua- lifiée aux moindres coûts... z
(1) En dépit de leurs rapports politiques in- certains avec les pays du COMECON l’ex-You- goslavie a acquis des locomotives élec- triques roumaines et des automotrices électriques hon- groises tandis que l’Albanie qui avait rompu avec le Bloc a pourtant importé des locomotives diésels tchèques et des voi- tures voyageurs polo- naises.
(2) Le constructeur polonais Konstal (au- jourd’hui Alstom- Konstal) avait déve- loppé sa propre gamme de tramways - séries 105-1O5 N et 105 Na - avec près de 3000 véhicules li- vrés de 1973 à 1992.
(3) « Tambour de la taïga » en Allemagne, « Gagarine » en Po- logne, « Sergueï » en Hongrie, « Ivan » en Tchécoslovaquie, « Simsong » en Corée et « Mashka » (dimi- nutif de Maria) en Russie...
(4) Quelques C°C° électriques version 3 kV continu avaient été exportées en Al- gérie pour la ligne minière Annaba-Te- bessa en 1973.
(5) Les matériels électriques étaient construits à Hennigs- dorf près de Berlin, les voitures- lits à Bautzen et les voi- tures à deux niveaux à Görlitz. Tous ces sites ont été acquis par Bombardier.
 La robustesse et la construction 22 - MOBILITÉS MAGAZINE THÉMATIQUE - DÉCEMBRE 2020
 

































































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