Page 8 - Mobilités Magazine Thématique N°8
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  Quand un géant chinois fait trembler l’industrie ferroviaire européenne
 Le « péril jaune » est-il de re- tour ? Après avoir fait les dé- lices des chroniqueurs et les
frayeurs de l’opinion de la Belle époque, il prend aujourd’hui le vi- sage de l’ogre chinois CRRC prêt à manger notre industrie ferroviaire. Né en 2015 de la fusion organisée au plus haut niveau de deux consortiums d’État, le groupe CRRC totalise aujourd’hui 28 Mds€ de chiffre d’affaires, soit près de 16% de l’industrie ferroviaire mondiale. Ses concurrents se trouvent loin derrière avec 4,6% pour Alstom, 4,4% pour Siemens et 4,4% pour le Canadien Bombardier. Suivis d’Hitachi avec 2,6% alors que l’Américain GE Transport ne totalise que 3,5%, en dépit de l’importance du marché local. Tandis qu’une grande partie des 62,8% restants concerne des marchés quasiment fermés.
Géant adossé à un marché natio- nal... gigantesque, CRRC propose à l’international des matériels et des équipements de plus en plus sophistiqués grâce aux technolo- gies étrangères transférées, « di- gérées », puis développées*, même si l’exportation ne concerne aujourd’hui que 15 à 16% de son chiffre d’affaires. Toutefois, il par- vient à entrer dans les complexes appels d’offres américains en of- frant des prix « cassés », comme le montre un récent succès face à Bombardier, et ce sur son terrain historique canadien, à Montréal ! Véritable « bras armé ferroviaire » de la politique chinoise des Routes de la Soie, CRRC s’implante aussi en Afrique, où la nouvelle ligne éthiopienne reliant Djibouti à Ad-
dis-Abeba remplace celle qui avait été achevée par les Français il y a un siècle...
En dépit de son gigantisme, l’arbre chinois de demain pourrait-il cacher la véritable forêt japonaise d’au- jourd’hui ? Puisque les nouvelles rames à 200 km/h des services ré- gionaux de la LGV Londres-Douvres sont signées Hitachi et que le groupe japonais a absorbé l’Italien Ansaldo (avec notamment ses lu- cratives activités signalisation, alors que jamais un constructeur ferro- viaire européen n’a vendu de ma- tériels roulants au Japon. La dyna- mique à l’exportation de l’industrie ferroviaire japonaise s’est d’ailleurs très fortement accélérée durant la dernière décennie avec un accrois- sement de 43% de 2009 à 2018. Plus précisément, en 2019 selon une étude des Douanes Françaises, l’export représentait 27% de la va- leur des matériels roulants et plus de 30% de celle des équipements. Hitachi est le leader en matière d’exportation avec une part qui at- teint désormais 80% de son chiffre d’affaires dans le domaine ferro- viaire.
Mais si aucun matériel roulant de construction chinoise ne circule en-
core sur les rails de l’Union euro- péenne, CRRC continue patiem- ment d’avancer pas à pas sur le Vieux continent. Comme l’ont mon- tré de récents contrats. Son rachat du constructeur allemand Vossloh au début de 2020 avait été précédé par la vente de rames automotrices électriques à l’opérateur tchèque Leo Express en 2019, et par la four- niture la même année de locomo- tives diesel et de voitures voya- geurs aux chemins de fer macé- doniens, un pays candidat à l’Union européenne. Sans oublier parallè- lement la conquête par des filiales d’ingénierie de CRRC de nombreux marchés de modernisation de lignes dans les Balkans. Principa- lement le remodelage d’une branche majeure du grand corridor paneuropéen N°10 (Munich- Vienne-Budapest-Belgrade) ainsi que son prolongement via la Ma- cédoine vers le port grec de Salo- nique, désormais géré comme celui du Pirée... par un groupe chinois !
(*) Celles de Siemens en tête, puisque les rames CHR 380, fleuron de la grande vitesse chinoise, sont dérivées directement du « Velaro », une rame elle-même issue de l’ICE (voir Chapitre I) !
 8 - MOBILITÉS MAGAZINE THÉMATIQUE - DÉCEMBRE 2020
 





















































































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