Page 58 - AQMAT Magazine Printemps 2022
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 Dossier Employés d’ailleurs
 Marie-Laure Eude-Le-Dorze
Les pièges d’un système de marché
« Nous sommes dans un système de marché et moi ça m’inquiète. C’est un danger de se représenter l’immigrant comme un sauveur. On va lui mettre des attentes tellement importantes qu’il risque d’y avoir un conflit dans l’entreprise. Les dirigeants ont mis tellement d’espoir dans le sauveur que leurs attentes sont énormes et cet individu n’est pas en mesure de répondre à ces attentes-là. J’ai vu beaucoup de cas comme ça. »
Marie-Laure Eude-Le-Dorze se spécialise sur les meilleures pratiques pour assurer l’intégration d’un travailleur immigrant. Elle compte parmi ses clients une quincaillerie de la région de Québec. La crise sur le marché de l’emploi met en lumière les pièges qui se multiplient tant au détriment des entreprises que des immigrants.
Marie-Laure Eude-Le-Dorze est elle-même immigrante. Elle est arrivée au Québec
il y a 20 ans avec sonconjoint. Tous les deux ont dû
« tout recommencer à zéro ». Elle rappelle que l’immigration n’est pas pour tout le monde.
« Il y a des gens  qui ne devraient pas immigrer.  L’immigration c’est un chaos cognitif,  ça prend une flexibilité, une  capacité d’adaptation énormes  et une très grande modestie. » 
« On fait de grosses erreurs en ce moment. On est tellement mal pris qu’on va chercher des organismes et des firmes qui vont chercher des étrangers.» La consultante rappelle que la pénurie de main-d’œuvre sévit en Europe aussi. Si les dirigeants en France, en Italie, en Espagne s’assurent de garder les meilleurs, les travailleurs qui arrivent au Québec ne sont pas toujours les meilleurs. Son conseil : « Faites attention aux gens que vous embauchez. Vous avez besoin de deux références. Et vous devriez demander à la personne immigrante un comparatif de diplôme plutôt que de vous fier à un CV. »
Les meilleures pratiques
pour intégrer un travailleur immigrant
Le recrutement d’une personne issue de l’immigration demande de la part de l’entreprise une certaine préparation. Il est recommandé aux dirigeants de communiquer aux employés déjà en place leur intention de recruter à l’étranger, et ce, plusieurs mois à l’avance. « L’entreprise a fait le choix de les avoir. Les employés n’ont pas fait ce choix, souligne Mme Eude-Le-Dorze. Il faut leur donner des points de repère culturels, présenter les malentendus qui pourraient survenir et préparer les gens aux malentendus culturels.» Les meilleures pratiques aident à gagner du temps et à éviter les malentendus.
La notion de culture d’entreprise devient un élément central dans ce contexte.
« C’est l’ADN de l’entreprise   qui va servir de ciment ».
La communication de la culture et de ses repères va favoriser l’harmonisation et va permettre d’accueillir le nouvel arrivant comme un humain à part entière avec ses variables.
« C’est important de préparer   cette rencontre entre deux univers »
– souligne Élise Le Dref de la CCMM.
Pour les dirigeants qui embauchent un travailleur immigrant, voici une étape incontournable recommandée par la spécialiste: jumeler l’individu avec un employé qui a des capacités culturelles de comprendre le parcours de l’arrivant. L’enjeu consistera à créer un sentiment d’appartenance à l’entreprise. Et vice-versa. Un réel défi dans le contexte actuel alors que le recrutement se fait à distance et que le travail quotidien est en mode hybride.
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