Page 168 - VISION MAGAZINE MARSEILLE 2019 LIGHT
P. 168

168
   168







           ARCHITECTURE ET PEINTURE
           VONT DE PAIR

           La maison, « machine à habiter », comme le tableau,
           est aussi une « machine à émouvoir » Intimement
           liées, architecture et peinture vont ainsi de pair dans
           l’œuvre de Le Corbusier. La couleur elle, permet d’agir
           sur l’expérience de l’espace, le ressenti émotionnel,
           la physiologie et la psychologie, soit jouer sur tous
           les sens.
           Dans ses premières réalisations, le Corbusier fait
           le choix de murs blancs et de lumière, suffisants à
           créer des effets de volume. La couleur viendra ensuite
           accentuer ou, au contraire, effacer certains volumes,
           donc « camoufler », corriger l’architecture. Prenons
           l’exemple de la maison-galerie La Roche-Jeanneret
           (actuellement siège de la Fondation Le Corbusier),
           construite entre 1923 et 1925. Dans cet édifice
           remarquable, les murs accueillaient des tableaux
           puristes et il y avait une correspondance choisie entre
           les couleurs des murs et celles des tableaux. Dans
           la villa restaurée, le blanc domine, mais les couleurs
           sont toujours là. En particulier, le bleu charron (bleu
           charrette obtenu à base de sulfate de baryte), très
           dense, posé sur les murs du couloir et qui produit
           une lumière spectaculaire.
           Par la suite, Le Corbusier va beaucoup travailler avec
           l’entreprise Berger, qui utilise une peinture à l’huile et
           un Matroil pour un résultat mat. Peu à peu cependant,
           la production industrielle va sonner la disparition des
           pigments naturels...

           L’UNITÉ D’HABITATION

           Avec l’Unité d’Habitation à Marseille, après 1945,
           Le Corbusier va entretenir un autre rapport avec
           la couleur. Façades, loggias, cellules, couloirs,
           intérieur de l’école maternelle, le contraste et la
           complémentarité entre les premières collections
           de 1931, et celle qui va arriver progressivement à
           la fin des années 1950, saute aux yeux. Une palette
           plus vive, où les couleurs primaires élargies (bleu,
           rouge, jaune, vert, cyan, magenta) font alors leur
           apparition. La polychromie architecturale de l’artiste,
           à ses pinceaux le matin et à ses plans l’après-midi,
           est en marche ! La couleur a désormais une valeur
           esthétique et abstraite, sans tomber strictement dans
           la décoration. Elle prend son autonomie, cadence,
           crée des atmosphères qui dépassent de loin les
           simples exigences fonctionnelles. Elle n’est
           plus là uniquement au service de l’architecture,
           mais fait jeu égal, dans un dialogue permanent
           architecture/peinture. Aujourd’hui encore, cette                        LA POLYCHROMIE ARCHITECTURALE DE
           combinaison inédite participe à l’identité visuelle                  L’ARTISTE, À SES PINCEAUX LE MATIN ET À SES
           si forte du bâtiment.
                                                                                  PLANS L’APRÈS-MIDI, EST EN MARCHE !
   163   164   165   166   167   168   169   170   171   172   173