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Histoire de Rosa Kaïkhelevna Ioffe... et accessoirement de son petit frère Evel Kaïkhelevitch.
Cette «saga» est venue d’une suggestion de Maïssa Jofa, notre petite-fille, un soir de septembre 2019 où j’avais tenté de raconter nos dernières péripéties familiales autour d’une table de restaurant à Toulouse.
Avec ma cousine retrouvée, Marina, qui fait aussi l’objet de ce texte, nous avions bien, chacun de notre coté, évoqué l’idée d’inscrire peut être cette histoire familiale dans un livre, un vrai livre avec couverture et pages que l’on feuillette car cette histoire nous parle de tous ceux qui furent emportés par les tragédies du XXe siècle : le stalinisme, la deuxième guerre mondiale, la destruction du judaïsme européen, comme l’avait confirmé Ivan Jablonka à qui je l’avais racontée, lui expliquant que son livre «Histoire des grands-parents que je n’ai pas connus» avait donné un grand coup d’accélérateur à mes propres recherches. Mais de livre il n’y a pour le présent que ce modeste document...
Ce récit serait représentatif non pour la seule qualité des personnages concernés encore que quelques-uns méritent certainement au passage un certain respect pour la permanence de leurs convictions, mais pour le tableau que représente en creux cette période, ce siècle, 100 années bercées de tant de promesses et aussi productrices des plus grandes tueries que cette planète ait connues. On avance le chiffre de 230 millions de victimes sur 100 ans...!
Une première guerre mondiale avec plus de 9 millions de morts, une seconde réputée être la plus meurtrière de l’Histoire avec ses 60 millions, soit 2,5% de la population mondiale définitivement éliminés de cette terre avec cette nouveauté, si l’on peut dire, de populations civiles qui jusque là pouvaient être des victimes collatérales et qui cette fois-ci ont fait l’objet d’éliminations systématiques, vieillards, femmes, enfants, véritable massacre des innocents ! Sans compter les multiples conflits, ici et là, des déchaînements de barbarie pourvoyeurs de cadavres, de tous âges, de toutes conditions qui dès le début de ce siècle jusqu’aux derniers jours de 1999 ont répandu sur cette terre qui n’en peut mais, des torrents sanguinaires dont certains se prolongent encore et qui après Hiroshima fera de nous la «...civilisation mécanique qui vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie». (A. Camus)
Dans cette dernière guerre mondiale, conflit le plus dévastateur et le plus meurtrier de l'histoire de l'humanité, l’URSS a payé le prix fort avec plus de 21 millions de victimes (certains avancent le chiffre de 26, d’autres d’avantage) ce que peuvent se permettre aujourd’hui de rappeler opportunément, mais pas sans troubles arrières pensées, les politiques mémorielles insistantes et agressives du régime actuel.
Voilà donc les protagonistes d’une histoire qui se sont engagés à leur modeste place, sur un fond d’antisémitisme, dans le seul but de changer ne serait-ce qu’un peu de l’existence injuste qui leur était alors imposée en participant activement aux mouvements qui ont fait tressaillir, trembler, vaciller l’ancien monde... «Nous savions seulement que nous étions jeunes, forts, avec une foi forte dans nos idéaux. La conviction que notre vie est dans l’avenir» a écrit Rosa dans ses mémoires. Mais leur convictions balayées par la tyrannie du «Petit Père des Peuples» finalement pas moins impitoyable que celle de l’autocrate qu’ils avaient combattu dans leur jeunesse, c’est bien le régime auquel ils avaient pourtant contribué qui éliminera aveuglément nombre de ses contributeurs.
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