Page 2 - Demo
P. 2
-20-
Son rôle urbanistique est incontestable ; les appartements agréabl es mais modestes par suite de l'exiguïté de la parcelle, sont sans commu ne mesure avec la richesse exubérante de la façade et des toitures.
Le traitement architectural est aussi le reflet d'une mentalité. Le monogramme P. S. et le caducée sculptés au sommet de la façade rapp el- lent que c'est M. Preynat (Preynat-Séauve), juge au tribunal de com- merce, qui le fit construire en faisant appel à un architecte précurseur. La complexité des façades et leur coût dénotent davantage un goût pour les arts et les techniques innovantes qu'un souci de rentabilité.
La réalisation des immeubles de l'avenue fut confiée à Léon Lamai- zière, côté impair et à Paul Noulin -Lespès, côté pair. L'architecture des Lamaizière, d'esprit classique, est caractéristique du XIXe s. Noulin-L es- pès est manifestement influencé par l'Art Nouveau dont Hector Guima rd fut l'un des chefs de file en France.
Dans un monde en mutations, l' Art Nouveau ou Modern' Style exprim e un courant de pensée moderniste extrêmement fécond, qui sest répandu en Occident depuis l'Angleterre jusqu'aux confins de l'Europe, en Russie et aux Etats -Unis et cela dès la fin du XIXe s. jusqu'à la Première Guerre Mondial e.
Sans renier l'héritage traditionnel du savoir-faire, les tenants de l' A rt Nouveau, rompant avec l'académisme et le pastiche, ont jeté les base s d'une réflexion très diversifiée prenant appui sur les théories dévelop- pées par Viollet-le-Duc dans ses Entretiens sur l'architecture.
Le vocabulaire utilisé par Noulin-Lespès pour les façades de "La Martre de France" s'inscrit bien dans cet esprit. L'ondulation de la façade , A venue de la Libération, bien que septentrionale, permet de bénéficier d e toutes les orientations . Elle est marquée par une forte verticalité dont l'élan vers le ciel est accusé par le décor foisonnant des toitures. Les bow- windows en forme de tourelles d'angle surmontées de bulbes dont les fortes nervures se rejoignent dans un énorme pinacle assis sur des têtes de lions rugissants, servent d'articulation avec les façades en retour Rue des Martyrs-de -Vingré et Rue Michelet.
Telle une portée de musique, le rythme vigoureux des lignes verti- cales est animé par les variations sur un thème donné, ici la fleur de tour- nesol, décliné sous toutes ses formes et qui assure l'aspect unitaire de l'ensemble : sur les garde-corps en fer forgé, en bas-relief moulé sous lap- pui des balcor1$, dans les linteaux des fenêtres, d'une manière générale sur tous les éléments de transitions entre les parties planes et celles dispo- sées en encorbellement. Grâce à la technique du béton armé, le rez-de- chaussée et l'entresol destinés à des activités commerciales sont très lar- gement ouverts et supportent avec élégance les façades des niveaux supérieurs disposées en encorbellement.
En 1904, Noulin-Lespès et son client M. Preynat ont été des précur- seurs audacieu x. Le béton armé fut mis en oeuvre pour la première fois en 1894 par Anatole de Baudot, architecte de l'église Saint-Jean-Bapti ste