Page 290 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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246             MEDICAMENTINDUISANTDES MODIFICATIONS COVALENTES DE L'ADN

               À la suite d'une injection IV, les complexes du platine se fixent à un degré variable sur
             les protéines plasmatiques. À l'exception du carboplatine, dont la fixation protéique est
             faible (25 %), les autres composés interagissent rapidement et de façon importante avec
             les protéines circulantes : pour le cisplatine et l'oxaliplatine, la fraction liée représente 60
             à 97 % de la quantité administrée, deux à quatre heures après la fin de l'injection. La
             fixation protéique concerne principalement la sérum albumine, sur les sites porteurs de
              groupements nucléophiles (C=O, C-N et surtout S-H). À forte concentration, le cisplatine
              établit des liaisons covalentes au niveau des sites riches en tyrosine et en cystéine : il en
              résulte une profonde modification de la structure secondaire protéique, avec réduction
              du nombre d'hélices a au profit des feuillets plissés B.

              5.2.  DISTRIBUTION TISSULAIRE
                • Sang (érythrocytes)
              Alors que la concentration dans les érythrocytes semble d'importance négligeable pour
              le cisplatine (3 % de la dose administrée), il existe, dans le cas de l'oxaliplatine, une forte
              localisation dans les hématies, dont la teneur en platine avoisine celle du plasma, deux
              heures après l'injection. La concentration érythrocytaire en oxaliplatine augmente en cas
              d'administration répétée. L'élimination du platine à partir de ces cellules est mono-expo-
              nentielle et très lente (t'/? 230 h), ce qui est voisin de la demi-vie des hématies.
                • Autres tissus
                Pour tous les complexes, la distribution tissulaire est sensiblement identique : le pla-
              tine est retrouvé principalement dans le rein, le foie, la prostate, la vessie. Les différences
              portent sur les cinétiques de pénétration tissulaire : à doses équivalentes, le carboplatine
              pénètre moins vite dans les tissus que le cisplatine.
                • LCR
                Les complexes du platine ne franchissent que très difficilement la barrière hématomé-
               ningée, ce qui explique les faibles concentrations observées dans le LCR (3 % de la
               concentration plasmatique, pour le cisplatine) et dans le tissu cérébral sain. En revanche,
               des taux plus élevés existent dans certaines tumeurs cérébrales.
                 Le tableau 8 compare les profils pharmacocinétiques des trois médicaments utilisés
               en France, en indiquant d'une part, les paramètres relatifs au platine ultrafiltrable (fraction
                    Tableau 8 : Paramètres pharmacocinétiques des complexes du platine
                                        cisplatine  carboplatine  oxaliplatine
                                       inj. IV rapide,  inj. IV rapide,  perf. IV, 2 h,
                                        100 mg/m?  100 mg/m?   130 mg/m?
               t 1 v2a(min)
                -Pt total                18-37        98          25
                - Pt ultrafiltrable      22-78        87          21
               +1v0)
                 -Pt total               44-190      6,7-24       250
                --Pt ultrafiltrable   non observable  354         24
               clairance plasmatique (mUmin)
                 -Pt ultrafiltrable      100-500     40-123       300
               volume de distribution (L)
                ---Pt total                -         15-27        70
                --Pt ultrafiltrable                  120-230      330
   285   286   287   288   289   290   291   292   293   294   295