Page 10 - Travail L'Oscar èt l'Alfred-etude-de-Louis-Mores
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expériences d’écriture mêlant la langue nationale d’État et la langue
régionale, Antonietta Sanna montre que des auteurs sardes utilisent leur
langue régionale « comme langue chargée de dire ce qui est intraduisible,
comme langue qui réclame le droit de sortir de l’oubli, de se libérer du poids
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de l’interdiction et de la domination de la langue nationale » . D’un côté
langue de l’affect, de l’enfance, des souvenirs, elle s’inscrit dans un cadre
particulier et limité. D’un autre côté, c’est une langue dont la pratique
devient au fur et à mesure un combat contre l’effacement, mais aussi dans
certains cas contre l’hégémonie d’une langue nationale et d’institution. Nous
en reparlerons quand nous analyserons des extraits du roman L’Oscar èt
l’Alfred à l’icole, dans lesquels des conversations entre protagonistes mêlent
français et gaumais, ce qui crée un effet de tension psychologique et sociale.
Dans le cas d’un multilinguisme entre la langue dominante institutionnelle
et la langue régionale dominée, les individus qui entretiennent cette dernière
et s’appliquent à perpétuer son potentiel d’expression peuvent-ils être
considérés comme des écrivains engagés ?




L’écrivain en langue régionale, un écrivain engagé?
Quand nous posons la question à Jean-Luc Geoffroy, il nous répond
qu’il s’agit bien aujourd’hui d’un combat d’écrire en langue régionale, mais
d’arrière-garde. Plus les générations passent et de moins en moins sont les
locuteurs gaumais. Pour lui, il s’agit d’une action de conservation, d’un
plaisir aussi, celui de conférer une légitimité à la langue en lui permettant de
démontrer qu’elle est capable de produire des œuvres littéraires de qualité.
Jusqu’où peut-on juger qu’il s’agit d’un engagement ?











5
Ibid. p.116.
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