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- La fin choisie par le producteur
La fin que nous voyons dans le film et qui est séparée du reste du film par des images d’actualité montrant
la libération, a été tournée quelques semaines plus tard à la gare de Lyon et à la demande « de ce con de
Deutschmeister » (Claude Autant-Lara sic). Quelles ont été les motivations du producteur pour imposer
cette fin ? En dehors de la volonté assez claire de proposer une fin a priori moins noire, plus légère, nous
n’avons pas trouvé de réponses à cette question mais il est clair qu’elle ne convient pas à Claude Autant-
Lara qui s’est vu contraint de la réaliser quand même !
Seule scène réalisée en décors naturels, le reste du film étant tourné en studios avec des décors peints, elle
évoque la fin du cauchemar, le retour à la vie, à la lumière, à la liberté de mouvement. On comprend qu’elle
se situe quelques années plus tard (ellipse temporelle). Sans les images d’actualité, qui « expliquent » la
dernière scène tout en l’isolant étrangement du film, le contraste serait encore plus fort. Lumière, bruits,
agitation dus au tournage en gare de Lyon contrastent avec le côté feutré, sombre et théâtral du tournage
studio. On retrouve Grandgil, très bien habillé cette fois d’un costume croisé à rayures, sortant d’un taxi et
se dirigeant vers le train, un porteur de valises dont on ne voit pas le visage s’avère être Martin. Quand
Grandgil le paie, il le reconnaît et semble content et amusé de le retrouver, il blague même sur les valises.
Martin est plus mitigé, il ne se souvient plus du nom de Grandgil, il suit toutefois le train en lui souriant.
Content semble-t-il de se souvenir de cet épisode de sa vie. Quand Grandgil lui dit qu’il porte toujours les
valises, il répond « Oui, celles des autres ! ». Que ce soit celles de l’occupation ou celles de la gare, il reste
employé par les autres et non au service de sa propre vie.« Autant-Lara et ses deux interprètes (…)
parviennent à rendre attachants des personnages qui sont franchement déplaisants. (…) Tant et si bien que
l’on est presque satisfaits de la tricherie finale qui arrange toute chose, comme s’il ne s’était s’agi que d’une
bonne blague et de souvenirs de service militaire. »
Rodolphe-Maurice Arlaud, Combat, 1956