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Jean Soulat nous entraîne peu à peu dans son questionnement tourbillonant, dans le vertige de ce maëlstrom intellectuel où nous inscrit la contemplation sous-marine des vestiges du "Speaker". Cette épave tient, au  l de la narration, son rôle de cristallisation de l'énigme historique ; elle est le point de départ de la réminiscence redonnant un visage au pirate John Bowen. Chaque parcelle de cet objet sous-marin nous questionne d'emblée... Qui était son capitaine ? Quel fut son destin ? Quelles traces, quels souvenirs, quelles ombres, a-t-il laissé par-delà les vestiges du "Speaker", cette chose qui nous reste de lui sous les eaux turquoises de l’île Maurice ?
La prise de conscience de cette attente d'explications que génère l'objet du  lm, le "Speaker", est donc appelée à devenir de plus en plus envahissante. La succession des prises de parole, celles de nos intervenants (voir p. 21) comme celle du narrateur-o , nous permet d'appréhender progressivement les détails du contexte historique et les aspects de ce naufrage comme un début de piste à suivre... Au coeur de notre documentaire- ction se tient, en e et, un événement historique bien précis. Le 7 jan- vier 1702, des pirates débarquent fortuitement à l'île Maurice, mettant en péril l’équilibre de la petite colonie hollandaise installée au vieux Grand Port. Le navire "Speaker" commandé par le pirate John Bowen vient s’échouer près de l’îlot des Roches sur la côte est de Maurice. Armé jusqu‘aux dents et sur des radeaux de fortune fait de vergues et de mâts, les pirates parviennent sur la côte. Le 9 janvier, deux chasseurs ayant aperçu ces quelques 170 pirates s'empressent d'aller alerter le gouverneur de l’île, Roelof Deodati, dignitaire de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales. Le campement des forbans est dressé à la hâte près d’une plage et un grand feu se trouve allumé a n de sécher la poudre et les armes. Un grand co re contenant une partie du trésor a pu être sauvé du naufrage. Le lende- main, le capitaine Bowen, secondé par une partie des hommes encore valides, part en reconnaissance dans l’île. C'est en identi ant la montagne du Pieter Both qu'ils comprennent en n qu’ils se trouvent sur la terre hollandaise de Mauritius. Les pirates parlementent bientôt avec le gouverneur hollandais. Ce dernier n’ayant que 52 soldats sous ses ordres est bien conscient du péril. Voulant éviter le con it, Deodati se résigne à leur vendre le sloop "Vliegendehart" a n de leur permettre de quitter l’île au plus tôt. C’est ainsi, le 4 mars 1702, que John Bowen fait ses adieux à la petite colonie, sans avoir omis d'of- frir au gouverneur hollandais 2500 piastres en témoignage de sa gratitude. Deux semaines plus tard, Bowen et son équipage de pirates touchent Madagascar, simple escale avant une nouvelle campagne.
UN PIRATE LÉGENDAIRE AU COEUR DES RÊVES DE L'ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE
Du  er navire de 500 tonneaux que fut le "Speaker", il ne reste aujourd’hui que 3 grandes ancres et 34 canons entièrement recouverts de corail. Ces vestiges sont disséminés sur une surface approxi- mative d‘un hectare dans une profondeur de 7 mètres. C’est en 1979 que l’épave du Speaker fut décou- verte et exploitée par deux archéologues français, Jacques Dumas et Patrick Lizé. Durant 30 jours, la fouille a permis de dresser le plan du site et de mettre au jour une grande quantité d’objets. En 1990, une 2ème campagne archéologique dirigée par Erik Surcourf et Thierry Proust eut lieu avec l’installa- tion d’un maillage  n. Mais la venue d’un ouragan balaya entièrement le site, annulant la fouille alors qu’elle venait de démarrer. Même partiellement fouillée, plus de 500 objets ont été remontés et sont désormais conservés au Musée National d’Histoire de Mahébourg, la collection appartenant au Mauritius Museums Council. On peut ainsi admirer dans la salle du musée consacrée à l’époque hollandaise, une grande variété d’objets faisant partie du trésor du pirate John Bowen. Parmi ces vestiges on retrouve des petits lingots d’or, des ducats et des sequins en or, des piastres espagnoles, une pièce autrichienne, des pièces de l’Inde, un bracelet et un collier en argent, des perles de verre, des agates, des grenats, une garde de sabre turc, des compas de navigation, des balles de mousquets, des bagues, des boucles, un cadran solaire portatif ou encore deux statuettes de divinité indienne en bronze. Mais qui sait ce que cache encore, dans ses cales, notre mystérieuse épave pirate ?
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