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langue étrangère était peut-être une libération mais aussi une épreuve, voire un supplice,
un supplice fascinant néanmoins.
Avec Gerd Bergfleth, 1984.
CHESTOV
Chestov était très connu en Roumanie. Il y fit même école. C’était le philosophe de la
génération à laquelle j’appartenais, qui ne parvenait pas à se réaliser spirituellement, mais
conservait la nostalgie d’une telle réalisation. Chestov, dont j’ai fait rééditer Les Révélations
de la mort quand je fus nommé pendant quelques mois directeur de collection chez Plon, a
joué un rôle important dans ma vie. Je lui garde une grande fidélité, sans avoir eu le
bonheur de le connaître personnellement. Il pensait à juste titre que les vrais problèmes
échappent aux philosophes. Que font-ils en effet si ce n’est escamoter les véritables
tourments ?
Avec Sylvie Jaudeau, 1988.
CIMETIÈRE
Du temps de mon enfance, nous avions un jardin près du cimetière et le fossoyeur était
mon ami. J’étais un petit garçon et lui devait avoir cinquante ans. Je suis sûr que ces
premières années vécues près du cimetière ont agi sur moi, inconsciemment. Ce rapport
direct à la mort a certainement exercé une influence sans que j’en aie été conscient.
Avec Fritz J. Raddatz, 1986.
Quand je vois des amis, mais aussi des inconnus qui passent par des moments de détresse,
de désespoir, je n’ai qu’un conseil à leur donner : « Allez vingt minutes dans un cimetière
et vous allez voir que votre chagrin ne sera certes pas éteint, mais presque dépassé. » C’est
beaucoup mieux que de voir un médecin ; il n’y a pas de médicament contre ce genre de
douleur, mais une promenade au cimetière est une leçon de sagesse, presque automatique.
Avec Michael Jakob, 1988.
COMÉDIE
Quel que soit mon état d’âme, j’ai toujours réussi à le cacher sous un comportement
d’histrion. Je suis l’esclave de mes nerfs, mais je puis le dissimuler, et je le fais. Comédie
qui me permet, par exemple, d’aller dîner dans un état de désespoir absolu et de raconter
des histoires frivoles sans interruption. Je ne sais s’il s’agit de pudeur ou d’un mécanisme
de défense ; en tout cas, si ma dépendance de la physiologie n’était pas aussi écrasante, je
n’aurais jamais eu à recourir à cette joie apparente. Cela, c’est évident, a son revers.
Kierkegaard raconte qu’en rentrant chez lui après avoir fait rire tout le monde dans un
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