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La petite école



                                                                                           Vivianne Melh



                  C’était la rentrée des classes. Une petite école, construite dans les années 60 avec
                  de grandes fenêtres donnant sur la cour et un mur pignon appareillé de pierres
                  blondes accueillait, en ce jour de septembre mordoré, une nouvelle classe et des
                  fillettes se retrouvaient devant une nouvelle institutrice. Celle-ci avait de longs
                  cheveux bruns qu’elle tenait tressés sur le côté en une longue natte qui lui donnait
                  un air d’héroïne de la littérature russe. Sa silhouette svelte et sa douceur tranchait
                  avec  les  institutrices  habituelles  au  regard  dur  et  à  l’autorité  menaçante.  La
                  précédente institutrice pour instaurer le calme ne cessait de frapper son bureau
                  avec une règle en fer et de s’écrier « silence, nom d’une pipe », en nous menaçant de
                  devoir  présenter  nos  doigts  au  courroux  de  la  règle  infernale.  Et  pourtant  les
                  enfants que nous étions, passions patiemment les heures interminables sur notre
                  chaise de bois. Cette nouvelle année scolaire se présentait sous de meilleurs jours.

                  C’était en 1964 et en classe de CE1. C’était l’époque où existaient encore des écoles
                  de filles et des écoles de garçons. J’étais assise auprès de ma meilleure amie et nous
                  restions silencieuses. La nouvelle institutrice avait médusé toute la classe. 40 paires
                  d’yeux la dévoraient et les élèves redoublaient de concentration. Une première
                  journée mémorable. Le lendemain, chaque fillette ayant de longs cheveux était
                  venue  avec  la  natte  asymétrique.  Sans  aucun  doute,  le  portrait  de  la  nouvelle
                  institutrice avait alimenté les conversations familiales et les mamans s’étaient mises
                  à coiffer leurs filles selon le modèle décrit. Je les enviais, moi qui avais les cheveux
                  courts. Il y avait dans ce mimétisme toute l’admiration portée à cette jeune femme,
                  belle et charismatique. Mademoiselle D. était bienveillante, toujours des paroles
                  douces qui apportaient l’assentiment de la classe. Je n’ai jamais su son prénom
                  mais elle signait par un Y avant son nom de famille. Un nom aux consonnances
                  étrangères, peut-être espagnoles. Alors Yolanda ou simplement Yvonne ? Je me le
                  suis longtemps demandé. Ma mère l’avait surnommé « Natacha », sans doute à
                  cause de sa coiffure, peut-être en référence à son aura romantique. Ma mère avait
                  cette curieuse tendance à « russifier » les personnages. Elle m’appelait tendrement
                  Petrouchka.
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