Page 54 - Lux in Nocte 15_Float
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Je m'approche, avec tous mes sens éveillés, d'une lourde porte faite de bois et
de fer forgé. Je sais, j'ai l'impression que quelque chose d'unique m'attend ce
soir. Je remarque, avec un léger étonnement, comment la porte s'ouvre
silencieusement, comme mue par la main invisible du temps. Je colle mon
manteau à mon corps. J'essaie de m'envelopper dans son velours protecteur et
agréable, mais une main prudente le retire de moi et disparaît avec lui dans une
pièce voisine. Je suis absolument consciente que je me suis plongée dans
l'histoire d'une femme extraordinaire. Nous sommes à Ludwigsburg, invités par
la comtesse Wilhelmine de Grävenitz, maîtresse du duc Eberhard Ludwig von
Württemberg.
Les talons de mes chaussures résonnent au rythme de ma respiration sur le
parquet ciré de la salle de réception. Je me retrouve dans une salle de bal avec
un pianoforte dans le coin. Je suis contente qu'il soit là. Il a été récemment
inventé pour faire face aux innovations musicales de l'époque. Je me demande
s'il a été construit par Gottfried Silbermann d'après le modèle italien. Je sais que
Bartolomeo Cristofori a créé cette nouvelle forme d'instrument à Padoue, et
Ferdinando de Medici l'avait déjà en 1690. J'écoute de la musique… Les fugues
de Bach résonnent dans toute leur luminosité. La comtesse Wilhelmina de
Grävenitz m'accueille avec un sourire charmeur, laissant son éventail voltiger
avec coquetterie tel un oiseau exotique et multicolore qui se repose un court
instant, puis repart dans une nouvelle danse avec un battement d’ailes. Je sais
que cette femme charmante et intelligente maîtrise l’art de la séduction. Elle
utilise habilement son éventail, comme toutes les femmes de la cour, en
attendant de rencontrer l'élu de son cœur. Même le petit grain de beauté présent
sur sa poitrine qui monte et descend montrant un décolleté généreux, est un
signal qui révèle son esprit libre. C'est son dîner. Elle nous accueille à l'entrée,
nous, invités d'une heure tardive, d'une source qui a enfin trouvé son chemin
vers les terres traversées par la rivière Neckar.
Par Alexandre Migl-travail personnel, CC BY 4.0
Nous entrons dans l'une des salles du château de Ludwigsburg rénové et agrandi
à la demande de notre hôtesse.
Le Duc lui en fit cadeau.