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ARCHEOS




                     HISTOIRE








                                              Libertine et libertaire


                                                                                        Jean-Claude Hauc



          Fille cadette d’une famille de récente noblesse provinciale, Claudine Alexandrine de Tencin
          passe une grande partie de sa jeunesse au couvent et ne sera relevée de ses vœux qu’après la
          mort de son père. En 1711, elle s’installe à Paris chez sa sœur Marie- Angélique dont le salon
          lui perme de rattraper le temps perdu. Elle devient bientôt la maîtresse de Fontenelle, son
          aîné de vingt-cinq ans. Puis, s’engageant de plus en plus dans la vie mondaine, elle prend
          pour amant Matthew Prior ; puis lord Boloing- broke, ministre des Affaires étrangères
          anglais, grâce auquel elle obtient pour son frère Pierre une abbaye cédée par Louis XIV à
          l’Angleterre. Sautant avec désinvolture d’un lit dans un autre, la Tencin entend bien ne
          dépendre d’aucun homme.
            Lors de la régence de Philippe d’Orléans, elle participe aux « petits soupers » en compagnie
          des « roués » et des femmes légères qui en composent l’assemblée. Elle a désormais pour
          amant  l’abbé  Dubois,  secrétaire  d’Etat  aux  Affaires  étrangères,  qui  deviendra  plus  tard
          archevêque et cardinal. Tous deux tissent des liens étroits avec l’Angleterre où s’invente
          alors le capitalisme. Alexandrine sera un temps la maîtresse du Régent, puis du lieutenant de
          police d’Argenson, du beau chevalier Destouches, de Jean Astruc, son médecin, et bien
          d’autres encore. Elle tombe un jour enceinte « des œuvres d’un homme sur le nom duquel elle hésite »,
          accouche en secret et abandonne l’enfant sans culpabilité aucune sur les marches d’une
          église. Elle apprendra bien plus tard que, recueilli par un passant, puis confié à une nourrice,
          celui-ci est devenu un célèbre mathématicien sous le nom de d’Alembert, ami de Diderot
          avec lequel il dirige l’Encyclopédie.
             En  1718, la Tencin se lance dans des spéculations financières favorisée par le
          fameux système de Law et s’enrichit considérablement. Elle tient même un comptoir rue
          Quincampoix et se déclare par plaisanterie « première banquière de France ». En 1726, un autre

          de ses amants, le banquier La Fresnay, s’étant suicidé, elle sera accusée de l’avoir
          assassiné et passera plusieurs semaines à la Bastille et au Châtelet. Finalement innocentée,
          elle intriguera en vain auprès de la papauté afin de favoriser la carrière ecclésiastique de
          son frère Pierre. A partir de cette époque, la Tencin décide de se tenir plus tranquille et
          de se consacrer à son salon qu’elle appelle sa Ménagerie. Le principales  « bêtes »  en  sont
          Fontenelle,  Marivaux,  Duclos,  l’abbé  de  Saint  Pierre, Piron,  Montesquieu,  Helvétius  et
          Marmontel.  Ce  salon  où  Alexandrine  règne  en véritable  « homme  d’Etat »  pratique
          un  cosmopolitisme  intellectuel  et  défend résolument le clan des Modernes. En 1774,


          alliée au maréchal de Richelieu et à
            me
          M du Deffand, elle contribue à pousser la marquise de Pompadour dans le lit de Louis
          XV. Vieillissante et malade désormais, l’amazone va dévoiler une autre facette de son
          talent en devenant romancière. Les Mémoires du comte de Comminge, Le siège de Calais et Les
          malheurs de l’amour obtiennent un grand succès mondain et seront réédités jusqu’au milieu
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          du XIX siècle.
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