Page 10 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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écossais James Lind s’approche du but, en 1754, en publiant le Traité du scorbut. Il y démontre, à la suite d’un essai clinique, que certains su-
10 jets arrivent à se défaire de leurs af- flictions à l’aide d’un régime enrichi en jus d’agrume. Ce n’est cependant qu’à l’établissement de la nomencla- ture des vitamines que le scorbut est proprement identifié comme une
carence en vitamine C 4.
Samuel de Champlain, épargné par
l’épidémie de l’île Sainte-Croix, est pour sa part persuadé que c’est avec « du bon pain et de la viande fraîche » que ses hommes parviendront à évi- ter la maladie. Il prend donc des me- sures dans le but d’assurer la survi- vance des premiers colons. La première étape consiste à trouver un lieu d’habi- tation plus adéquat. Dès le retour du temps doux, les édifices du campe- ment sont démantelés et transportés, pièce par pièce, de l’autre côté de la baie Française, à Port-Royal. Le nou- veau campement s’avère favorable et le deuxième hiver moins rigoureux. Seulement 12 hommes sont emportés par le scorbut.
L’année suivante, Champlain crée l’Ordre de Bon Temps, un cercle gas- tronomique qui permet aux convives de se divertir et de profiter des longs mois d’hiver pour découvrir les plai- sirs de la table. Tour à tour, chaque membre de l’Ordre est responsable de chasser et de pêcher de quoi remplir l’assiette de ses confrères, en prévi- sion d’un grand festin 6. Certains Mic- macs, qui partagent leurs nombreuses connaissances du terroir avec les co- lons, sont aussi invités à la table et y contribuent avec des aliments frais.
Pour l’historien Éric Thierry, l’Ordre de Bon Temps est à la fois une occa- sion pour les Européens de découvrir l’alimentation nord-américaine et de démontrer aux peuples autochtones les « privilèges » d’un peuple civilisé 7. Aujourd’hui, on reconnaît que cette image peut induire en erreur puis- qu’elle est romancée et déséquilibrée. Avec du recul, on est forcé d’admettre que l’histoire a la fâcheuse habitude de simplifier les premiers contacts entre Autochtones et Européens. On se sert souvent, par exemple, de la présence des Micmacs à la table de l’Ordre comme preuve d’amitié entre les deux peuples 8. Mais c’est faire son beurre avec bien peu de crème! Il faut comprendre que l’histoire des premiers contacts ne se résume pas
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