Page 25 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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Pourtant, après quelques semaines d’été précoce dans les Rocheuses, nous en avons assez de la culture touristique montagneuse et décidons que c’est mainte- nant ou jamais. Nous partons vers le Nord, à Yellowknife, pour explorer la toundra. Enin, c’est ce que nous croyons. Je ne le sais pas encore, mais cette aventure sera bien au-delà de mes attentes et me transformera à beaucoup de niveaux.
En traversant le 60e parallèle, à des centaines de kilomètres d’une ville, nous
nous arrêtons pour souper. Aussitôt que la voiture ralentit, un nuage de mous-
tiques nous encercle; chose que je n’avais jamais vécue jusque-là. Je fais sortir
Nanuq pour ses besoins et laisse entrer du fait même des centaines de petits vam-
pires bourdonnant dans la voiture. Nanuq s’enfuit rapidement dans les buissons,
en se frottant la tête avec ses pattes avant, puis revient maladroitement et en vi-
tesse vers la voiture. Je me porte volontaire pour faire cuire les saucisses sur notre
poêle de camping, placé précairement sur la valise. Des moustiques attaquent
toutes les particules de ma peau exposée, tentant d’atteindre mes oreilles, mes
yeux et mon nez, pendant que je m’eforce de faire rapidement cuire la viande.
Nous décidons d’éviter autant que possible de camper dans les Territoires du 25 Nord-Ouest.
Sur la route, nous faisons un arrêt à la station-service de Fort Providence — les moustiques ne sont plus seuls, ils sont accompagnés de bulldogs, ces bes- tioles carnivores géantes qui volent lentement et rendent les orignaux furieux. Je demande à l’employé de la station comment il fait pour tolérer cette situation. Il hausse tout simplement les épaules comme s’il remarque à peine le bulldog qui lui fonce sur la joue : « on s’habitue ».
À notre arrivée à Yellowknife, nous restons surprises. La ville ressemble à Sud- bury, notre ville natale. C’est le Bouclier canadien; des rochers anciens adoucis par des glaciers datant de millions d’années. On y trouve ici des arbres, ce à quoi je ne m’attendais pas — dans toute ma naïveté. Il s’agit majoritairement de petits coni- fères ayant très peu de feuilles. Originaire du Nord de l’Ontario, je suis habituée aux vastes espaces et aux innombrables lacs, mais je ne m’attendais pas à être si bien accueillie par les gens de la ville. Pour une ville de moins de 20 000 habitants, on y retrouve une belle diversité culturelle — peut-être en raison de sa position géographique ou du tempérament de ceux et celles qui choisissent d’y habiter. C’est l’un des endroits les plus amicaux que j’ai visité. Lorsque nous conduisons aux alentours, les gens voient que nous sommes des étrangers et nous font signe pour nous souhaiter la bienvenue.