Page 30 - Bouffe volume 3 - Surgelée
P. 30
30
ATHLÈTE
SZAL f« Désolé, impossible pour moi cette semaine ». « Malheureusement, j’ai trop de boulot ce samedi ». Il a fallu quel- ques tentatives stériles et de la pa- tience jusqu’à la première rencontre avec notre homme. Puis, début-avril, ouf de soulagement. Grâce à l’aide de Renata, le rendez-vous est pris le 4 au matin. Destination : un village de la région de Tolna, 941 âmes au dernier pointage, deux heures au sud-ouest de Budapest. Une bourgade paisible coincée entre le magique lac Balaton et la centrale nucléaire de Paks.
Nous attendons Gyula devant la gare la moins lointaine. Une demi-heure dé- file. Appels en série. Messagerie. Le quatorzième essai réussit enfin. « On arrive, on est à cinq minutes! Tu m’ex- cuseras, mon portable était éteint depuis hier après-midi ». Ah d’accord. Soudain, un break Opel Astra bleu s’avance. Carrosserie usée, moteur sollicité. Un rouquin tanqué au cheveu ras sort. C’est lui. Sa demi-sœur Moni
txt. + phot. Joël Le Pavous l’accompagne. Poignée de main mus-
clée. Quasi sportive. On captera vite pourquoi.
boxe thaï, fitness & saucisses
Le char respire la cochonnaille pen- dant le trajet (cinq kilomètres à peine). Normal : Monsieur Salami et sa dis- crète acolyte l’utilisent pour livrer leurs clients pestois deux fois par mois en alternance. Cancanements, caquè- tements et grognements se répliquent derrière la grille de la demeure. « Un verre pour commencer? », demande Gyula. Une pálinka (eau de vie) à jeun. Bientôt deux. Sur la table du balcon, Moni a posé une assiette maousse de dégustation avec oignons et pain tranché. Dieu merci!
Gyula est un néo-rural doté d’un CV d’athlète citadin. Jugez plutôt : ancien champion de boxe thaï de haut niveau, ex-entraîneur des jeunes pousses, et contributeur d’une revue consacrée au fitness. Quinze ans de vie urbaine
délaissés à la rentrée 2013. Il hérite de la charmante baraque familiale et se reconvertit en producteur artisa- nal. Sa ménagerie donne le vertige. Quarante porcs, une cinquantaine de poulets, trente canards, quatre truies, des lapins, des oies, des dindes, deux marcassins, et cætera.
Notre hôte a attrapé le virus au cours d’un tuage de porc hivernal, rituel magyar pluriséculaire. « Durant mon enfance, j’aidais souvent ma grand-mère le week-end ici même. Je coupais des morceaux de viande, j’ob- servais la transformation en saucisses et m’exerçais parfois à les façonner. Puis j’ai eu le déclic lors de ce disznó- vágás, en 2001. On a obtenu 275 kilos de barbaque! Je me suis alors dit que je piloterais ma propre exploitation dès que l’occasion se présenterait », précise-t-il.
Trêve de blablas. Le propriétaire nous montre ses quartiers. Intérieur modeste, mobilier rustique, minets
ffGARDE-MANGER