Page 38 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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fffffTYPE CRÉATIF RAISONNABLE
txt. Patrick Thibeault phot. Alain Desjean
Hiver comme été, la clef du cœur gastronomique d’Alain Desjean prend la forme de bouffe hivernale. Ne lui parlez pas de salade composée à la pince ou de granita à la rhu- barbe. Parlez-lui de pâté chinois et de tourtière inondée de ketchup. Parlez-lui des recettes de La bonne cuisine cana- dienne de 1927 : soupe aux pois, ragoût de boulettes de porc, biscuits à la mélasse, fèves au lard salé, et cætera. Si le tout est servi après une tournée champêtre sur une moto anti- que, c’est encore mieux. Mais, surtout, ne vous cassez pas la tête car Alain est un homme simple. Sauf lorsqu’il est der- rière sa caméra. Quand c’est le cas, tassez-vous du chemin.
Photographe spécialisé en pub depuis l’âge de la Macarena et de la jeunesse de Mitsou, Alain est l’un des génies der- rière de grandes campagnes, comme celle du jeune garçon qui se transforme en petit vieux pour la Sloche à la papar- mane de Couche-Tard. Ou encore celle de la Cendrillon maganée et branchée à une intraveineuse pour la Fondation pour l’alphabétisation. En consultant le portfolio d’Alain, on constate qu’il est possible d’atteindre un équilibre entre l’art et la vente. Même que pour Alain, cet équilibre est nécessaire. « Déjà que la pub, je trouve ça polluant. Plusieurs pubs sont
carrément inacceptables. Elles ne devraient même pas exis- ter! Je boycott certains produits quand ils font trop des pubs de marde. Il y a des risques que je n’achète plus chez vous juste parce que c’est trop poche ce que vous nous présentez. »
Hélas, les temps sont toujours durs pour les rêveurs qui hurlent de frustration aux frontières de la masse. Reste que des photographes comme Alain, qui travaillent en partena- riat avec des légions de directeurs artistiques, de retoucheurs, de stylistes, etc., doivent agir comme lien entre ces frontières et les annonceurs afin de maintenir certains standards de base. « Ça prend surtout des directeurs artistiques qui n’ont pas peur de se mettre à risque et qui croient en leurs idées, me confie Alain. Prenons l’exemple de Simon Beaudry pour la campagne de Sloche. Il allait vraiment au bat’! Ça prend quelqu’un comme lui, qui sort le client de sa zone de confort, de ce qui se fait habituellement. Après ça, à la réalisation, c’est là que moi j’embarque. Mais je ne suis jamais autant à risque que le directeur artistique. » (Et voilà un clin d’œil à nos directeurs artistiques ici à Bouffe, Simon Laliberté et Alexandra Whitter. N’est-ce pas qu’ils font un travail de génie?)
EN COULISSE