Page 65 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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Je m’arrête à un comptoir derrière lequel un charmant jeune homme, l’air intello, m’accueille. Il me semble rassurant dans cette journée où toute mon alimentation est remise en ques- tion. Je commence à lui déblatérer rapidement ma quête de la journée, mon grand-père, les révélations de l’employée du supermarché. Il semble un peu perdu, l’air de se dire qu’il vou- lait juste donner un coup de main à ses parents. Puis tout à coup, il me fait un grand sourire. Il m’explique qu’il rédige en ce moment son mémoire de maî- trise sur l’agriculture traditionnelle.
Pour lui, être locavore, c’est d’abord une question de valeurs; on veut pro- téger notre patrimoine culturel en assurant la pérennité de nos traditions agricoles et culinaires. La cuisine peut être inluencée par toutes sortes de cul- tures diférentes, mais elle s’est forgée autour des produits qui viennent d’ici,
il y a de cela bien longtemps. Les pro- ducteurs locaux vont généralement prioriser l’agriculture de variétés et de races indigènes, laquelle est davantage adaptée à nos conditions climatiques extrêmes et aux particularités de notre sol7. Malheureusement, avec la stan- dardisation et la spécialisation, selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, depuis 1900, ce sont les trois quarts des variétés agricoles mon- diales qui ont disparu8. Wow!
Je lui achète un panier de pommes du Québec, je le remercie et retourne à ma voiture.
sur le chemin de la maison.
Assise derrière mon volant, mon esprit vagabonde parmi mes rencontres de la journée, lorsque le voyant lumineux de l’essence attire mon attention. Zut! Déjà vide? Alors qu’on estime qu’un
aliment a voyagé en moyenne 2500 km avant d’atterrir dans les épiceries9, je calcule que j’en ai fait au moins le dixième aujourd’hui simplement pour en savoir plus sur le locavorisme. Quelle ironie!
Pendant que je remplis mon réser-
voir, je réalise qu’être locavore, ce n’est
pas seulement d’essayer de connaître 65 l’empreinte écologique d’un aliment
en sachant quelle distance il a parcou-
rue et le mode de transport utilisé10.
Être locavore, c’est adopter une vision holistique de son rapport à la nourri-
ture et avoir des impacts positifs sur
le développement durable de l’agricul-
ture locale.
J’arrive à la maison et en montant l’escalier, l’accro des listes que je suis a une soudaine envie de se faire un plan d’action pour braver l’hiver à coup de produits locaux, un kilomètre- alimentaire à la fois.