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Christine Adamo - Copyright NMS51GC





                        crise. Nous-avions-tellement-de-biens, il dit toujours à maman. Je-

                        ne-vais-pas-risquer-le-peu-qui-nous-reste-en-acceptant-des-

                        locataires-insolvables. Et quand maman veut répondre, il tape sur la
                        table.  Tais-toi,  Marie-Céline.  Ce-sont-tous-des-feignants-ou-des-

                        immigrés.  De-mon-temps-on-travaillait-et-on-ne-se-plaignait-pas.

                        De-mon-temps-les-gens-savaient-rester-à-leur-place.
                               En plus, le père-de-maman prête jamais les livres parce qu'il

                        a  peur  qu'on  les  abîme.  Et  toute  façon,  ceux  qu'il  a  sont  pas

                        intéressants vu qu’ils font que raconter la vie des généraux qui ont
                        tué beaucoup de monde à la guerre. Ou les histoires de révolution

                        quand on égorge les enfants et qu'on pend leur maman avec leurs

                        boyaux. C’est pas que j’aime pas les histoires où il y a des batailles

                        et du suspens. Mais les siennes, il y a jamais d'animaux dedans, il y
                        a trop de boyaux. Et ses livres sont raides et neufs et jamais un peu

                        cornés ou avec une odeur de bon moisi de vieux papier.

                               La pêche, le père-de-maman va pas m'emmener non plus vu
                        qu’il sait pas pêcher. Et qu’en plus, il m’aime pas. Une fois, je l’ai

                        entendu  dire  à  maman  tu-as-fait-la-plus-grosse-bêtise-de-ta-vie-

                        lorsque-tu-as-épousé-cet-étranger.       Par-dessus-le-marché-vous-

                        avez-fait-un-enfant.  Sans-ça-tu-aurais-pu-faire-annuler-le-mariage.
                        Alors-que-maintenant-tu-dois-supporter-la-preuve-vivante-de-ton-

                        erreur. Evidemment, la-preuve-vivante de l’erreur de maman, c’est

                        moi.
                               Le  jour  où  il  a  dit  tout  ça,  le  père-de-maman  m’a  fait  un

                        sourire  de  dentier  pareil  que  d’habitude.  Seulement  quand  il  m’a

                        embrassé, il s’est retiré plus vite, pareil que s’il croyait que j’allais
                        le mordre. Et la fois suivante, vu que c’était mon anniversaire de

                        ma naissance, il m’a offert deux pièces de cinq euros en argent à la





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