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tés d’approvisionnement qu’implique une telle entreprise. Il fit creuser un canal de dé- rivation à travers la montagne à un endroit soigneusement choisi de la rive. L’entreprise réussit, l’eau s’engouffra dans la brèche et la surface du lac baissa de 20 mètres. Mais un grave accident se produisit : insuffisamment protégé, le canal d’évacuation s’effondra et de nombreux ouvriers furent ensevelis sous des masses de terre. A la suite de cette ca- tastrophe, le projet fut abandonné.
Selon le rapport qui fut établi, on trouva « des cuirasses ou des plaques pectorales, des serpents, des aigles », le tout en or, nature- llement, ainsi qu’une émeraude grosse comme un œuf de poule : « L’un dans l’au- tre, dans les 6 000 ducats pour le trésor royal. » L’entreprise gigantesque de Sepúl- veda eut donc quelque succès. Sa part du trésor ne fut sans doute pas négligeable. L’un de ses vieux amis, Juan Rodriguez Freyle, déjà évoqué, mentionne à son sujet : « Il disait avoir tiré de la partie asséchée du fond du lac plus de 12 000 pesos. Beaucoup plus tard, il voulut faire un nouvel essai, mais il n’y parvint pas et il mourut pauvre et las. Je l’ai bien connu et j’ai apporté mon aide lors de ses funérailles, dans l’église de Guata- vita. »
Par son travail, Sepúlveda s’est dressé un monument. Aujourd’hui encore, on montre l’endroit où il fit tailler la montagne et l’em- placement du canal de dérivation.
Après la mort de Sepúlveda, quelques con- quistadores, marchands et aventuriers es- pagnols qui avaient fondé une compagnie se sont efforcés d’obtenir l’autorisation d’assé- cher le lac.
« Il est venu à nos oreilles que dans le lac qu’on nomme lac de Guatavita, d’après des informations sûres, de grandes richesses en or gisent au fond et que plusieurs personnes, malgré des tentatives répétées, n'ont pas réussi à mettre à sec ledit lac. Nous allons tenter d'y parvenir à nos propres frais et à nos propres risques, avec nos propres gens, avec énergie et application. »
Le contrat entre la compagnie et le capitanat général de Nouvelle-Grenade, qui avait son siège à Bogotá, fut conclu en 1625. Ses ter- mes correspondaient à peu près à ceux du contrat que l'administration avait négocié
avec Sepulveda. À la compagnie était con- cédé un droit exclusif pour
« tout l'or, l'argent, toutes les perles et tous les autres objets de valeur ».
Bien entendu, toute trouvaille devait être enregistrée et un quart du butin revenait au roi d'Espagne. Si la valeur des objets trouvés dépassait la somme de 50 000 pesos, la part du roi passait à la moitié. Chose étonnante, le contrat stipulait que les Indiens qui se- raient embauchés devraient recevoir la même solde que les soldats. Cette nouvelle tentative eut-elle lieu, eut-elle du succès ? On l'ignore.
HUMBOLDT MÈNE L'ENQUÊTE
L’un des rares, sinon le seul, qui fut attiré par le lac de Guatavita par simple curiosité scien- tifique fut le savant allemand Alexandre von Humboldt (1769-1859). Lors de son voyage dans les possessions espagnoles d’Amérique aucours des années 1799-1804, il passa deux mois à Bogotá, en 1801. Humboldt mesura la hauteur des montagnes autour du lac et fit quelques autres recherches scientifiques.
Mais, finalement, lui aussi succomba à la fas- cination de l’or. De retour à Paris, il tenta d’estimer la quantité de métal précieux qui devait se trouver au fond de l’eau. D’après son calcul, si 1000 pèlerins avaient visité Guatavita chaque année et ce pendant 100 ans, si chaque pèlerin avait jeté 5 objets à l’eau, le nombre des objets en or qui gisaient dans le lac pouvait atteindre le chiffre colos- sal de 500 000 pièces. D’après lui, leur valeur globale - en 1807 - devait se monter à envi- ron 300 millions de dollars.
C’étaient bien sûr des chiffres sans com- mune mesure avec la réalité. Mais Humboldt était un savant très estimé et ce qu’il disait devâit être vrai ; on pouvait s’y fier et ses calculs suscitèrent de vastes spéculations.
Le petit lac n'avait pas encore livré tous ses secrets...
Références:
Mondes disparus - Civilisations retrouvées, la grande aventure de l’archéologie - F.A. Gunther, 1991.
El Directorio 13