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RESET
Pas besoin de crier dans l’hygiaphone pour comprendre ta
colère. Je sais, j’ai tort. D’ailleurs, j’ai toujours tort. Et ta
raison n’est pas la mienne c’est sûr, ta raison est une
aberration. Pas besoin de sortir de l’école de Manivelle… de
Machiavel…que tu manipules ton monde, ton instinct d’amour
me phagocyte… mais à quoi bon discuter…
Ce soir je vais prendre le car, ma présence dans ta voiture
covoiturage n’est pas souhaitée et puis je risque l’effet
groseille, mon corps va se recouvrir de petits taches de
couleur rouge-rosée, émotivité en dessin.
Je vais me recroqueviller dans l’un des sièges de ce car, filtrer
le reste de tes mots colères. Le reste de ma vie comme une
laideur, le reste de mon souffle en encre noire.
Le ronronnement de mon angoisse tourne en rond comme le
bruit du moteur car… et je ressens à cet instant l’effet gouffre
qui prend là au fond du crâne, au fond du ventre, au fond d’une
cellule qui éclate, un anévrisme sentimental…
Et pourtant, j’ai encore la force, si ce n’est l’instinct de me
traîner dans ma cabane/cellule/appartement. Je monte les
degrés à la lueur d’un navigateur égaré dans les quarantièmes
et le palier est comme l’œil du cyclone, une aire de repos, un
havre de paix, une plage sans prédateur, et puis j’ouvre la
porte, ma porte, porte au seuil de la noirceur d’une vie
maintenant sans… toi.
Je croque quand même une passe-crassane (je hais les
pommes), ma seule consolation fruitée, sucrée, et m’allonge
sur mon lit frondeur aux ressorts bien sentis. Je mange tout, le
trognon n’a pas le temps de faire une mine de condamné qu’il
est mastiqué et avalé.
Prendre une douche ne sert plus à rien, je vais finir crado
squelette dans les draps moisis de… toi. Je suis ce que le
dérisoire est au rasoir du matin, coupant, révélateur de ma
condition de… raseur et j’enlève mon dernier apparat : ma
moumoute dernière génération avec intégrateur de laque. Et,
là, je ne sais pas pourquoi, j’éclate de rire. De ce rire qui ose
pourfendre les cloisons et les rabat-joie.