Page 51 - OPEX MAGAZINE N°1
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HOMMAGES AUX DISPARUS EN OPEX
HOMMAGES AUX DISPARUS EN OPEX
Nouveauté Ou continuité
Nouveauté Ou continuité
Jérémy PIGNARD, docteur en histoire, professeur certifié d’Histoire-Géographie-EMC en Isère, a notamment publié
« D’un tombeau vide à une tribune politique : genèse et évolution d’un espace commémoratif majeur », dans la
revue numérique In situ. Revue des patrimoines n°25 ; « La Victoire et le temps du deuil en Isère » dans l’ouvrage
À l’arrière comme au front. Les Isérois dans la Grande Guerre coordonné par Jean GUIBAL, Olivier COGNE et Hélène
VIALLET. Il a co-écrit avec Florent MEZIN, « Les « morts pour la France » sur les monuments isérois de 1914 à 2014 :
la mémoire militaire et la reconnaissance nationale » dans la revue La Pierre et l’Ecrit n° 25.
Le 23 mars, la première pierre d’un monument aux Morts en OPEX n’ont pas intégré le panthéon communal comme le
en opérations extérieures sera posée. Cette nouvelle étape Capitaine Rémy Basset, « Mort pour la France » le 6 mars
dans l’élaboration et la pérennisation de la mémoire des 1993 à Niamey (Niger), qui n’est pas inscrit sur l’édifice de
OPEX s’inscrit dans une tradition de monumentalisation Tullins (Isère) . Ne pas ajouter ces noms peut s’expliquer
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initiée au XIX siècle. Après la guerre franco-prussienne par le fait que le deuil ne concerne que peu de personnes
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de 1870, des monuments sont érigés pour dresser les listes au sein de la société. La discrétion des familles, qui ne HOMMAGES AUX DISPARUS EN OPEX
des hommes tués au combat. Sous l’impulsion des citoyens revendiquent pas nécessairement cet hommage, et le statut
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dans leur groupement civique de base , comme l’explique de soldat professionnel expliquent aussi cette attitude.
Antoine Prost, ces monuments aux Morts se généralisent Il faut attendre le début des années 2010, notamment
au lendemain de la Grande Guerre. En quelques années, ce avec la résonance de l’intervention en Afghanistan et une
sont plus de 50 000 édifices consacrés aux « Morts pour la médiatisation plus importante de la mort au combat, pour
France » qui s’élèvent sur le territoire. Ces constructions qu’une évolution apparaisse.
servent alors de tombes de substitution pour les familles Cette médiatisation de la mort au combat, qui est
endeuillées et d’expression d’hommage des communautés annoncée presque en direct sur les chaînes d’information
envers ceux qui ne sont pas revenus de la guerre. Elles en continue, modifie considérablement la manière de
sont aussi le principal support de la commémoration concevoir la mémoire de ces nouvelles victimes. Elle est
des morts au combat, permettant d’entretenir une alors toujours associée à un traitement de l’information
mémoire désormais portée par les anciens combattants. permettant d’expliquer, pour ne pas dire de légitimer, les
Progressivement, ces monuments assimilent d’autres OPEX. C’est dans ce contexte que certaines communes se
mémoires. De manière empirique, plusieurs municipalités sont intéressées à la question de l’hommage à rendre à ces
intègrent des soldats tombés lors de la guerre du Rif (1925- militaires tués au combat.
1926) ou de la campagne de Syrie (1926). Les victimes de
la Seconde Guerre mondiale et les militaires « Mort pour la La commune de Saint-Aupre (Isère) a été la première à
France » lors des guerres de décolonisation sont également organiser la matérialisation mémorielle d’un soldat tué
ajoutés sur ces constructions lorsqu’un nouvel édifice n’est en Afghanistan. Ce village inaugure le 11 novembre 2011
pas érigé. Cette forme de syncrétisme mémoriel permet l’inscription du nom de Clément Chamarier, « Mort pour la
d’associer des morts de périodes différentes dont le seul France » le 19 février 2011 au Col de Kora dans la province
point commun est d’avoir donné leur vie pour la France. de Kapisa, Afghanistan. Avant cet hommage communal,
Pourtant, après la guerre d’Algérie, de nouveaux morts une première cérémonie s’était tenue à la caserne de
apparaissent dans le cadre des OPEX et leur intégration sur Bourg-Saint-Maurice le 25 février, sous l’autorité d’Alain
Juppé alors Ministre d’Etat, ministre de la Défense et
les monuments aux Morts est moins systématisée.
des Anciens Combattants. Cette première étape dans
Impliquée en différents lieux de la planète, l’Armée cette reconnaissance officielle incarnait l’hommage de
française a connu des pertes humaines importantes la Nation, mais également de l’Armée, pour un soldat tué
dans le cadre des OPEX, même si numériquement elles au combat. Lors de l’inauguration du nom de ce soldat
apparaissent comme relativement faibles en comparaison sur le monument aux Morts de Saint-Aupre, c’est un
de celles des deux guerres mondiales et de la guerre hommage local qui est mis en évidence, dans le sens où
d’Algérie. Si la mémoire de ces hommes est soutenue ce sont les représentants du bassin de vie qui assistent
par leur famille, leurs compagnons d’armes, certaines à la cérémonie. L’inauguration revêt une nouvelle fois un
associations et l’institution militaire, elle n’est pas toujours caractère militaire avec la présence d’un détachement du
réinvestie dans le cadre communal. Plusieurs soldats morts 7 Bataillon de chasseurs alpins de Bourg-Saint-Maurice
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