Page 5 - adurandmai2018

arrière du tableau
Déchirure toile
LA RÉDUCTION DE LA BLESSURE.
Dans le cas présent, la technique utilisée est celle dite du « l à l ». Après l’application d’une pièce de renfort au dos de la blessure, la technique consiste à reconstituer la trame de la toile.
Je retourne le tableau. Le châssis est à arêtes saillantes. La toile fait corps avec ce dernier. Bon, il y a visiblement du travail. Je rédige les papiers et prends le tableau avec son carton pour un diagnostic complet dans mon atelier (encadré page précédente)
Le jour J, je me présente devant son immeuble.
A l’interphone, cette même voix enjouée : « C’est au second, au fond, à droite. »
« Bonsoir monsieur. »
« Il est au fond de ma chambre. »
Je m’empare du carton et déballe l’œuvre sur la table de son salon. L’éclairage n’est pas bon, mais qu’importe. La toile est vrai- ment marron/noir. On devine des formes. Aucune couleur. Aucun contraste. La toile de jute est déchirée sur 15 cm dans la partie basse.
Après cet examen qui révèle certains problèmes dus au vieillis- sement, je me concentre sur la réalisation de la solution adaptée aux couches de cires et autres vernis qu’il faut enlever. Avec des tampons de coton, je commence par nettoyer le visage de la sil- houette centrale. Quelle émotion ! Des couleurs chatoyantes, un bleu « Champaigne ». Extraordinaire. Il s’agit de la « Sainte Vierge ». Plus tard, je la découvrirai au milieu de deux anges et di érents angelots (je pense qu’il s’agit d’une œuvre du XVIe ou XVe siècle. L’œuvre n’est d’ailleurs pas signée, très courant à cette époque).
La toile mise à jour, je m’attaque au nettoyage du châssis puis à la réduction de la déchirure. Totalement réparée, les manques reconstitués, la toile vernie, je contacte la cliente pour la livraison.
Que nenni !
Elle choisit de venir chercher son tableau avec un groupe de cinq à six personnes : des membres de sa famille et une personne « qui s’y connait » me dit-elle. On ne sait jamais ! Et quel plaisir de les voir tous découvrir le tableau. Ils ne l’avaient jamais vu. C’est un moment de partage exceptionnel. Un souvenir rare. Et avant de franchir le seuil, elle me dit : « maintenant, je vais la transmettre à une de mes petites lles ». Quelle récompense !
APRES