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FUTUROLOGIE  Destination Titan



 Les vols sur les différents sites sélectionnés et la pro-  de pouvoir peut-être révolutionner l’exploration spa-
 grammation de la plupart des opérations scientifiques   tiale dans un avenir plus ou moins proche. C’est le cas,
 ainsi que la transmission des données recueillies vers   par exemple, du Shapeshifter et du Titan Submarine.
 la  Terre  seront  planifiés  pendant  les  heures  de  jour
 sur Titan (ce qui équivaut à une durée de seize jours
 terrestres), ce qui donnera au Dragonfly le temps né-
 cessaire pour recharger sa batterie.

 Titan étant situé à environ 1,4 milliard de kilomètres du                                           © Steven Oleson - NASA Glenn Research Center.
 Soleil, ses faibles rayons peinent à traverser la couche
 nuageuse orangée de plus de 100 km d’épaisseur qui
 entoure  Titan.  Il  sera  donc  inopérant  d’équiper  le
 Dragonfly avec des panneaux solaires, c’est pourquoi, il
 sera doté d’un MMRTG (Multi-Mission Radioisotope   © NASA/JPL-Caltech.
 Thermoelectric Generator) fonctionnant au plutonium   Titan Submarine est un projet d’envoi d’un petit sous-marin pour explorer un des lacs d’hydrocarbures de Titan
 238.  Ce  générateur  thermoélectrique  à  radioisotope
 permettra  de  recharger  sa batterie  de  nombreuses   composée d’hydrocarbures légers (principalement
 fois entre deux vols mais servira aussi à protéger les   Le projet Shapeshifter viserait à créer un robot qui se réassemble pour   du méthane  et  de l’éthane)  et  d’azote  liquide, dont
 s’adapter à son environnement.
 composants électroniques du Dragonfly ainsi que ses   la  profondeur  atteindrait  300  m.  Ce  sous-marin,
 instruments scientifiques embarqués du froid intense   Une équipe d’ingénieurs du JPL de la NASA travaille   baptisé « Titan Submarine » d’environ 1 400 kg serait
 qui règne sur Titan.  actuellement  avec des chercheurs  des universités de   propulsé par deux RTG (Radioisotope Thermoelectric
 Stanford et  de Cornell,  sur  un projet  de nouveau   Generator) qui assureraient aussi le maintien du bon
 robot, baptisé « Shapeshifter », ressemblant à un drone   fonctionnement  des circuits électroniques face  au
 enfermé dans une roue de hamster allongée qui serait   gel dans la mesure où la température sur Titan peut   © Mike Malaska.
 capable de s’ouvrir en deux puis de se décomposer en   descendre jusqu’à -179 °C. Il se déplacerait à la vitesse
 plusieurs petits robots dotés de petites hélices, appelés   d’1 m/s avec une autonomie de 90 jours. Il serait doté
 cobots. Ces  derniers pourront,  selon les  besoins, se   d’une caméra pour cartographier le littoral ainsi que   AVIATR, un projet abandonné de drone d’exploration sur Titan.
 transformer en sphères pour rouler  sur des surfaces   de multiples capteurs pour échantillonner les liquides   Ces dernières années, plusieurs autres projets
 planes, en drones pour explorer des grottes étroites et
            de la mer et  les sédiments du sol à la recherche de
 © ESA/NASA – JPL.  des cavernes ou encore en submersibles pour flotter à   composants  organiques, étudier  un  large spectre de   ont  aussi  été  à  l’étude  faisant  intervenir  différents
            phénomènes océanographiques et  réaliser  diverses
 la surface d’un lac et se propulser sous un océan. Le
                                                          modes  d’exploration  de  Titan  mais  ont  finalement
                                                          été  abandonnés. Cela  a,  par  exemple,  été  le  cas de
 JPL de la NASA teste déjà un prototype imprimé en
            analyses dont il transmettrait les résultats lors de ses
 3D du Shapeshifter. À terme, l’équipe imagine qu’il
                                                          Titan Reconnaissance), conçu par le Dr Jason Barnes
            antennes, situées de chaque côté, capables d’effectuer
 pourrait  intégrer  jusqu’à douze cobots qui, une fois   remontées  quotidiennes  à  la  surface  grâce  à  deux   l’AVIATR (Aerial Vehicule for In-situ and Airborne
 Vue d’artiste de la mission américano-européenne Huygens qui s’est
 posée sur le sol de Titan en janvier 2005.   libérés, pourraient se déplacer  indépendamment  les   directement la liaison avec la Terre. Comme pour les   et une équipe de chercheurs de l’université d’Idaho,
 uns des autres ou agir de concert, selon les besoins. Le   sous-marins  terrestres, il  fonctionnerait  grâce  à  un   qui envisageait l’envoi d’un petit drone de 120 kg doté
 Shapeshifter serait déposé sur Titan par un atterrisseur   système de ballasts qui serait adapté aux spécificités   d’un générateur thermoélectrique  à radioisotope  au
 Divers projets d’éventuelles   qui lui servirait de principale source d’énergie  et   des mers d’hydrocarbures. Un vaisseau spatial serait   plutonium  238  qui  devait  prendre  des  images  HD
 futures missions sur Titan    utiliserait  une  suite  d’instruments  scientifiques  pour   utilisé  pour  le  convoyer  jusqu’à  Titan  avant  de  le   de la surface de Titan pour en apprendre davantage
 analyser directement des échantillons prélevés par les
                                                          sur sa géologie. À la fin de la mission, il devait atterrir
            larguer au-dessus de sa cible.
 ont été étudiés  cobots.  Une  fois leur  exploration terminée  sur une   sur  les  dunes  de  Titan  afin  de  recueillir  davantage
 zone, les cobots uniront leurs forces pour soulever   Un autre projet  de mission  assez  similaire, baptisé   d’informations. Une autre proposition conjointe de la
 Ces  dernières  années,  plusieurs projets  d’explora-  l’atterrisseur et le redéposer dans une nouvelle zone   TiME  (Titan  Mare  Explorer),  avait  aussi  été  étudié   NASA et de l’ESA, baptisée « TSSM » (Titan Saturn
 tion  de  Titan  ont  été  sélectionnés  pour  participer   à explorer.  par la NASA, en collaboration avec Lockheed Martin.   System Mission),  reposait sur trois éléments  : un
 au  Programme  NIAC  (NASA  Innovative  Advanced   Il envisageait l’envoi d’un atterrisseur à faible coût se   orbiteur de la NASA, un atterrisseur conçu par l’ESA
 Concepts) qui a pour objectif d’accorder, chaque an-  En  2015,  la  NASA  a  étudié  un  projet  prévoyant   jetant dans un lac de l’hémisphère nord de Titan et   pour  explorer  les  lacs  de  Titan  et  une  montgolfière
 née, un financement à des chercheurs pour développer   d’envoyer  sur  Titan  un  submersible  autonome  pour   flottant  à  sa  surface  pendant  trois  à  six  mois.  Cette   conçue par l’ESA pour étudier son atmosphère.
 toutes sortes d’idées novatrices, qui n’en sont encore   y explorer ses mers d’hydrocarbures. La cible choisie   proposition a été rejetée en 2012 en faveur de l’envoi
 qu’à un stade peu avancé mais présentent le potentiel   était Kraken Mare, une vaste étendue de 400 000 km ,   de la mission InSight sur Mars.     Josèphe Ghenzer
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