Page 63 - IA-LE_MAG_07_Janv-Fevrier2022
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L ' I N N É E T L ' A C Q U I S
LUNA
Vous pensiez me retrouver dans une maison
chaude avec de petites mains caressantes.
Détrompez-vous ! Je suis très bien dans ma cage
et je ne veux pas en sortir.
Ah ! Je vois l’interrogation pointée dans le fond
de vos yeux. Nous, les chiens, nous sommes très
forts pour détecter les humeurs des humains et
pour comprendre ce qu’ils ressentent. Alors oui,
je vois que vous vous demandez comment une
chienne qui a connu l’amour d’un maître préfère
rester au fond d’une cage que de connaître la douceur d’un nouveau foyer.
Mais, croyez-vous que tous les foyers soient doux pour les poilus ? Si vous le
croyez alors, permettez-moi de vous détromper. Vous faites fausse route. Vraiment
fausse route.
Mon bon Léon a disparu du jour au lendemain. Moi, je ne parle pas, je n’ai pas pu
partir à sa recherche. La dernière image que j’ai de lui est son départ dans une
voiture plus grande que la nôtre. Je voulais le suivre en courant. On m’en a
empêché. Pour la première fois de ma vie, on m’a passé ce qu’ils appellent une
laisse pour que je ne puisse pas m’échapper. Vous est-il possible d’imaginer un
seul instant mon immense chagrin ?
La consistance, la couleur, la composition
chimique peuvent donc changer, mais l’odeur est
toujours aussi nauséabonde, d’autant que des
bactéries s’en mêlent pour transformer les
sécrétions d’origine en dérivés qui ne sentent pas
bien meilleur.
Celles-ci se vident en général un peu à chaque
défécation en petite quantité, mais lors d'un
stress, d'une bagarre, d'un moment de panique,
l'animal peut les vider entièrement et ce jet peut
être propulsé sur une distance de 100 cm ou plus.
On m’a conduite chez mon vétérinaire. Personne
dans ses connaissances ne voulait s’encombrer
d’une chienne de trois ans.
Pourtant, je suis loin d’être vieille. Si j’avais
été un chiot, tous seraient venus me
chercher dans la journée. Pardon d’avoir
vécu des années heureuses avec mon Léon
avant d’arriver ici ! Je n’ai pas demandé à
être séparée de lui.
Pourtant, je vous jure que j’ai essayé. Oh,
oui, j’ai essayé ! On m’a enfermée dans cette
cage il y a un peu plus de douze mois.
J’étais désespérée Je passais de la chaleur
au froid, je passais d’une compagnie
permanente à la solitude, je passais d’une
liberté totale à l’enfermement. Je tournais en
rond dans cette cage.
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