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RENCONTRE
Vous êtes né à Dunkerque dans un milieu ouvrier et un paysage industriel, d’où vous est venue cette passion pour la marche et la nature ?
J’ai grandi à Coudekerque-Branche dans une famille ouvrière du Nord, nous étions six enfants dans un mi- lieu où l’accès aux loisirs n’allait pas de soi. J’ai surtout eu la chance d’avoir des profs merveilleux, notamment en français, qui m’ont ouvert l’esprit et donné le goût des livres. En 1974, j’avais dix ans quand un de mes enseignants m’a présenté à Gérard Vermersch, un or- nithologue qui animait un club des amis de la nature où je me suis inscrit. On se promenait, on regardait les oiseaux, on plantait des arbres. Cette rencontre a changé ma vie. Gérard est toujours de ce monde et je continue à aller me promener avec lui quand je viens passer quelques jours dans la région. Il m’a appris que la nature n’était pas seulement les belles images que je voyais dans les livres ou à la télé, elle était tout au- tour de moi, même au milieu d’une vingtaine d’usines Seveso. C’est au cœur de l’horreur industrielle que j’ai découvert la beauté de la nature, sa beauté à nous résister, sa résilience. En 1978, avec le naufrage de l’Amoco Cadiz, j’ai assisté à une pollution majeure et, tous les samedis, on allait récupérer des oiseaux mazoutés pour les soigner. Je devenais acteur pour la défense de l’environnement, mon engagement s’est renforcé dans ce pays de chasseurs viandards, il ne m’a plus jamais quitté.
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« C’est en marchant que se font les révolutions ».
Dans un chapitre, vous exprimez votre soutien au mouvement « Nous voulons des coquelicots » et faites l’éloge des manifestations contre En marche et la politique d’Emmanuel Macron. Considérez-vous ce livre sur la marche comme un plaidoyer poli- tique ?
Certainement, mais la question de l’engagement reste difficile à définir. Je me place au niveau de l’écrivain. Je me considère d’ailleurs plus comme un écologue qu’un écologiste militant, même si j’aimerais m’engager plus pour servir la cause de la nature. Dans mes livres, je disperse des pétales, je ne sais pas où ils tombent. Je n’ai pas vraiment d’intention au départ, pas de vérité à transmettre, de leçon à donner, je dis mes intuitions, mes sensations, mes peurs quand je vois l’humain détruire ce que j’aime. Mon engagement, c’est l’écriture, le besoin de raconter la beauté. Je suis convaincu que prendre conscience de la beauté de la nature, c’est le premier pas vers la connaissance et le respect. À partir de là, le glissement se fait immédiatement vers la défense et la protection. Thoreau rappelait pourtant que nous ne sommes pas si nombreux à connaître la beauté d’un paysage. Il faut savoir lire la nature, repérer les interactions animales et végétales pour comprendre le tableau d’ensemble qu’on contemple. Tout cela s’apprend. En étant attentif à ce qui se passe autour de nous, la marche devient
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