Page 20 - Rebelle-Santé n° 215
P. 20
SOCIÉTÉ
CULTURE
faire évoluer la profession, sous diverses conditions. On peut créer un diplôme d'herboriste ou un certificat en herboristerie, avec les écoles très compétentes qui existent déjà.
La deuxième étape, c’est l’utilisation des 500 plantes médicinales ?
Oui. La seconde étape sera d'obtenir petit à petit l'au- torisation de vendre au moins toutes les plantes qui sont actuellement dans les compléments alimentaires.
Le rapport parle aussi de revoir les allégations théra- peutiques des compléments alimentaires au niveau européen. Ne risquent-elles pas d'être minimisées ?
Ça fait des années qu’elles sont minorées. Cela dit, il sort des allégations sur les compléments alimentaires toutes les semaines. Il existe un site officiel qui est une base de données recensant toutes ces informations. Donc, nous avons le droit de donner certaines alléga- tions qui sont confirmées par cette base de données. Mais il est dommage qu'avec ce choix restrictif de mots, une partie de notre culture et de nos traditions disparaissent.
La mission préconise aussi d’élargir l’usage des plantes aux animaux...
C'est le B-A BA. C’est important que les vétérinaires soient formés aussi bien que les médecins. Les mé- decins ne connaissent pas les plantes. Vous avez des médecins très ouverts qui, souvent, se sont formés eux-mêmes. Ces médecins sont appréciés du public, il faudrait que les jeunes médecins s'y mettent pour acquérir des connaissances sur les plantes. Je pense qu'ils le feront de plus en plus.
JOËL LABBÉ, UN SÉNATEUR TENACE
Sénateur écologiste du Morbihan, Joël Labbé s’est il- lustré en faisant passer la loi qui interdit depuis l’année dernière l’usage des pesticides dans les communes et les jardins des particuliers. Pour l’herboristerie, il applique la même méthode : obtenir l’unanimité sur les résultats d’une mission d’information qui, si elle ne traite pas tous les aspects du problème, ouvre une brèche et relance le sujet de façon inexorable.
Rebelle-Santé : Après vos auditions, qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la filière de l’herboristerie ?
Joël Labbé : L'existence de trois niveaux d'herboristes. Il y a les pharmaciens herboristes, spécialisés dans les plantes, mais encore trop peu nombreux. D’ailleurs, ils sont obligés de vendre des médicaments convention- nels pour garder l’usage de leur diplôme... Il y a aussi
20 Rebelle-Santé N° 215
les herboristes de comptoir, comme Michel Pierre – et il y a une vraie demande sociétale de produits naturels de qualité. Et puis, il y a aussi les paysans herboristes qui vendent en direct leur production. Ce sont des ré- sistants qui ont appris l'herboristerie et qui ont tenu à continuer à la pratiquer. Depuis quelques années, une nouvelle génération arrive. Ces jeunes veulent donner du sens à leur vie via l’herboristerie. Tous ces profes- sionnels méritent d’être reconnus.
Cette filière représente aussi un potentiel écono- mique non négligeable...
Aujourd’hui, 80 % des plantes médicinales sont im- portées. Les plantes représentent donc un grand po- tentiel économique. Il s’agit de développement local, d’aménagement du territoire, d'emplois.
La mission a également mis l’accent sur l’outre-mer... Tous nos territoires d’outre-mer ont des ressources et des savoirs-faire qui ont été entretenus. Il y a donc un potentiel de développement assez extraordinaire. En France, 80 % de nos richesses de plantes se trouvent en Outre-mer. Là-bas, de nombreuses plantes mérite- raient d’être développées, transformées sur place pour favoriser l'économie locale.
Concernant les métiers, quelles sont les lacunes sur la formation ?
Les pharmaciens ont trop peu de botanique et de phy- tothérapie dans leur formation, alors que ce sont eux qui ont le monopole de la vente des plantes médici- nales. Les médecins n'ont pas du tout de formation sur les plantes. Une de nos recommandations est de réintégrer la phytothérapie dans la formation des mé- decins et de la renforcer chez les pharmaciens. Car la logique n'est pas d'opposer la phytothérapie à la médecine et pharmacie conventionnelles, mais de travailler sur les complémentarités. Les médecins éta- blissent le diagnostic. Les pharmaciens distribuent les médicaments curatifs. Et puis, il y a tout le champ de la prévention, du bien-être et aussi des « petits maux du quotidien », c’est le domaine de l’herboristerie. Tout ce pan qui est hors monopole pharmaceutique est aussi vendu n'importe comment, notamment sur internet. S'il y a des métiers d’herboristes reconnus avec formation, alors c’est un plus pour la santé et les pharmaciens ne pourront plus dire qu’on fait prendre des risques aux consommateurs.
Vous parlez de « petits maux du quotidien ». Cela peut sembler limitatif, voire péjoratif, par rapport aux vertus des plantes...
Les plantes ont un vrai intérêt pour le curatif. Par exemple, j’ai appris que des huiles essentielles