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RENCONTRE
prétexte à expérience, chaque arbre porte les greffes de plusieurs variétés et il faut bien regarder où on pose les pieds, pour ne rien écraser. À l’ombre colonisent les boutures et les scions, ces arbres greffés d’un an en attente de plantation. C’est là que s’organisent parfois, dans un esprit convivial, les séances d’initiation à la taille et au greffage proposées gratuitement aux adhé- rents de l’association.
« Nous nous appelons les "Croqueurs de pommes®", mais notre engagement pour la sauvegarde des varié- tés régionales anciennes ne concerne évidemment pas que les pommes, de même que la pomologie est la science qui permet de décrire et de classifier tous les fruits. L’association des Croqueurs en Provence est ain- si devenue une référence internationale sur la culture de l’amandier », rappelle Christophe Grévy.
Depuis les années 1980, les associations de Croqueurs se diffusent progressivement par essaimage. Avant de fonder leur association en 1999, les Croqueurs du Bo- cage gâtinais fréquentaient ceux de la Brie en Seine- et-Marne. En 2007, c’était au tour de certains de leurs adhérents d’essaimer à Corbeilles-en-Gâtinais où ils ont choisi de créer leur propre verger. « Ici, la greffe a pris, mais paradoxalement, il n’y a toujours pas de Croqueurs vers Orléans, au cœur d’une région de tra- dition fruitière, et où il existe aussi une demande », constate Christophe Grévy.
Forte d’une soixantaine d’adhérents chaque année, le calendrier des activités organisées par l’association est bien rempli.
Au premier semestre, en hiver et au printemps, se suc- cèdent les séances techniques, pour tailler et greffer les différentes variétés, pratiquer certains soins. Avec l’été et l’automne, vient le temps de la dégustation, celle des fruits aux vergers, celle du jus au pressoir ou chez l'un des rares cidriers des environs. La Fête de la Pomme marque en octobre le grand rendez-vous avec le public. Annulée cette année à cause de l’épidémie de coronavirus, les Croqueurs réfléchissent à une al- ternative. « Même si les gens nous trouvent de plus en plus avec internet, la Fête de la Pomme est un moment important pour rencontrer du monde et présenter nos activités. Tous les ans, sur une grande table, nous expo- sons une centaine de variétés de fruits locaux et de sai- son, glanés auprès des arbres que nous connaissons. C’est impressionnant et ça reste le meilleur moyen de montrer la richesse et la diversité des variétés, de rani- mer la mémoire et le goût pour permettre une prise de conscience. » Certains fruits sont récoltés au verger conservatoire de Château-Renard. Christophe Grévy vient d’ailleurs de s’y rendre pour repérer les arbres qui donnent et préparer l’inventaire de la tablée. Pour compléter, il ira chercher d’autres variétés chez les
Croqueurs ou dans les vergers environnants.
« Le verger conservatoire de Château-Renard est une vraie mine qu’on n'a pas fini d’étudier. Nous y organi- sons des visites de dégustation et y prélevons chaque année des greffons pour reproduire les arbres avec nos adhérents. Au fil du temps, notre mission pour la sau- vegarde des variétés anciennes évolue. Aujourd’hui, la plupart de ces variétés ont soit totalement disparu, soit déjà été sauvegardées. Les multiplier est désormais le seul moyen de les conserver. C’est pourquoi nous nous orientons de plus en plus vers la transmission des savoir-faire et des connaissances, en formant nos adhérents à l’arboriculture et à la pomologie. »
Le réseau national des Croqueurs de pommes® échange aussi avec les chercheurs. En 2011, quand l’INRA d’Angers lance une vaste étude de compa- raison génétique pour créer une base de données et classifier les différentes variétés de pommes culti- vées sur le territoire, les Croqueurs sont partenaires. Christophe Grévy sourit : « La génétique peut aider à mettre un peu d’ordre dans la classification, elle ne traduit pas non plus toutes les subtilités des milieux et des cultures. À la louche, certains vous diront qu’il existerait 10 000 variétés régionales, je pencherais plutôt pour un chiffre autour de 3000, car il existe de nombreux synonymes. Nous avons ainsi fait tester la fameuse "Bois-mort" du verger de Château-Renard, dont la génétique nous a appris qu’il s’agissait en réa- lité d’une reinette blanche du Canada, une pomme réputée, mais pas une variété inconnue. »
Même si la suprématie de la Golden n’est pas prête d’être remise en cause au supermarché, les Croqueurs du Gâtinais sèment un peu d’optimisme : « Tous nos membres ne sont pas actifs mais on perçoit très claire- ment un rajeunissement de nos adhérents. Ce renou- veau est sans doute déterminé par un désir de mieux manger et de consommer plus local. Le développe- ment des AMAP, comme celle de Cortrat, a beaucoup contribué à nous fédérer. Il y a également la curiosité de nouveaux arrivants, des gens qui s’installent dans la région et qui veulent apprendre à cultiver leur jardin. Surtout, depuis dix ans, nous accompagnons aussi de nouvelles démarches d’agriculteurs professionnels qui voient désormais leur intérêt à replanter des vergers et diversifier leur production. Il se crée ainsi de nouveaux vergers chaque année que nous encourageons, de même que nous aidons souvent à régénérer de vieux vergers », conclut le Croqueur.
L. S.
Sites internet :
https://pommes-bocage-gatinais.pagesperso-orange.fr/ https://croqueurs-national.fr/
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