Page 11 - Rebelle-santé n° 203 Extrait "Pédagogie Montessori"
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ÉDUCATION
La fameuse école de Roubaix existe depuis 1944 et les parents payent en fonction de leurs revenus. Certes, il y a un problème de financement qui suppose une subvention de la mairie qui accueille ou un engagement des parents. Les contraintes sont très nombreuses. Mais, aux origines, lorsque la pédagogie Montessori a été introduite en France, elle s’adressait aux orphelins et aux réfugiés. En réalité, la vraie richesse est d’arriver à réunir des enfants d’horizons différents. La mixité sociale apporte une ouverture à tous les enfants. Les enfants défavorisés ont parfois des conditions de vie moins faciles qui sont de vraies entraves à leur développement. En contrepartie, ils sont souvent moins victimes de la projection de leurs parents que les enfants des milieux plus favorisés, où l’enfant parfois gâté et inconscient de sa chance se retrouve souvent seul avec un emploi du temps de ministre et la pression d’être parfait.
Dans vos livres, vous travaillez activement à faire connaître la pédagogie Montessori ?
Si on n’a pas accès à l’école, tout le monde peut en revanche adopter l’état d’esprit Montessori à la mai- son, et surtout du jour au lendemain. Dans mes livres, je reprends la pensée de Maria Montessori en conden- sant dans un style plus actuel. En 2010, lorsque j’ai écrit mon premier livre Apprends-moi à faire seul, je venais de passer 10 ans à enseigner dans des écoles en Amérique du Sud et du Nord, où je n’ai jamais eu à présenter cette pédagogie, car tout le monde connaissait. En France, on ignorait tout de Montessori, j’avais droit à tous les clichés : écoles pour « gosses de riches », pour enfants précoces, pour handicapés, l’école qui fait des enfants rois... ça ne correspondait pas du tout à ce à quoi je croyais. Je souhaite surtout diffuser les grands principes du respect de l’enfant, sans donner de leçons. Je viens ainsi de sortir chez Bayard une nouvelle collection de petits livres qui s’adressent aux enfants à partir d'un an en mettant en scène la vie quotidienne pour montrer tout ce que l’enfant est capable de faire par lui-même. J’y ai mis quelques astuces sur la façon d'aménager la chambre, la cuisine, la salle de bains, entre autres, et pour déve- lopper une attitude qui facilite une autonomie gran- dissante et progressive de l’enfant.
Vous avez aussi imaginé toute une collection de coffrets
Si l’environnement Montessori est stable, le matériel n’est pas figé, à l’exception du matériel de mathéma- tiques, qui concerne un langage universel. Le maté- riel s’adapte donc à la fois au pays, à la langue et à l’époque. Aujourd’hui, le regard sur Montessori a beaucoup évolué à tel point que c’est devenu un argu- ment marketing, et qu’on colle du Montessori sur des
produits qui n’ont rien à voir. J’ai imaginé mes coffrets dans le but de promouvoir l’état d’esprit montessorien avec des jeux. Il y a toujours à l’intérieur une présenta- tion générale de Maria Montessori et de sa pédagogie. Ces coffrets sont une proposition. J’avais commencé par Les lettres rugueuses car l’apprentissage de la lec- ture est le premier apprentissage académique dont dépendent tous les autres. Il ne faut pas « se louper », et ça peut être tellement naturel, joyeux et positif. Par l’activité ludique, on met à la disposition de l’enfant un matériel d’apprentissage, qui est aussi prétexte à un moment privilégié à partager avec lui. Libre à l’enfant de s’en servir, quand il veut, seul ou à plusieurs. Le message que j’essaye de faire passer, c’est que l’ap- proche Montessori est avant tout une manière d’être. Le but n’est pas de transformer la maison en école, mais de faire confiance à l’enfant, voir s’il est capable d’être autodidacte et si l’environnement qu’on lui pro- pose lui permet de l’être. La qualité de cet environne- ment est aussi psychique, pour lui permettre de gran- dir, dans une ambiance bienveillante d’écoute active et de paix. Même si on n’est pas infaillible et qu’en tant qu’adulte averti, on est en perpétuelle progres- sion, nous sommes aussi des modèles et il faut incar- ner les valeurs que l’on veut transmettre. Respecter pour apprendre le respect. La démarche Montessori commence par une démarche sur soi. Nous sommes la première source d’inspiration des enfants.
Entretien réalisé par Lucie Servin
Rebelle-Santé N° 203 47
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