Page 8 - Rebelle-Santé n° 197 - Extrait "La Phagothérapie"
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Les antibiotiques ont permis de poser les bases d’une médecine de protocoles (dose, rythme, durée, etc.), applicables à tous. Si vous avez une otite vous pren- drez tant de comprimés le matin et le soir, pendant quelques jours, la posologie est fixée et dans la grande majorité des cas, vous serez guéri. Avec la phagothé- rapie, il faut réfléchir un peu plus, prendre en compte le patient et son environnement dans une démarche holistique approfondie, car, d’un phage à l’autre, les caractéristiques sont différentes, ce qui interdit une pratique standardisée pour être efficace. Il vaut mieux envisager une médecine à la carte, qui utilise aussi bien les phages que les antibiotiques, savoir quand utiliser des traitements en « prêt-à-porter » ou « sur- mesure ». Ainsi, ces dernières années, la tendance a été de généraliser l’emploi des antibiotiques à large spectre (qui s’attaquent à de nombreuses bactéries, NDLR), pour passer outre l’établissement d’un dia- gnostic bactériologique précis, autrement dit pour simplifier la mise en route des traitements. On a ainsi facilité et accéléré les mutations des bactéries que l’on ciblait par des traitements antibiotiques inconsidérés.
N’utilise-t-on pas aussi des cocktails de phages ?
Tout à fait, mais il existe deux grands types de cocktails. On peut ainsi mélanger dans une préparation différents phages qui s’attaqueraient à de nombreuses espèces de bactéries, en imaginant que, « dans le tas », ils retrouveraient la bactérie ciblée. Ce type de mélange est à éviter, comme l’emploi abusif des antibiotiques à large spectre. On peut avoir recours à des « cocktails », mais seulement pour contrôler
rapidement une phase d’infection aiguë, après avoir fait un prélèvement qui permet d’identifier le germe à traiter plus spécifiquement. Au laboratoire, ensuite, on élabore une préparation qui peut elle aussi associer plusieurs phages, mais des phages capables d’infecter la même bactérie cible, afin de prévenir au maximum les risques de mutations de la bactérie face aux attaques des phages. L'apparition d'une résistance est toujours possible, mais que la bactérie développe une double ou triple résistance est un phénomène beaucoup plus rare. D’ailleurs, la mutation est souvent présentée comme une défense naturelle de la bactérie, mais c’est surtout une erreur de copie quand la bactérie se multiplie (la mutation n’est pas « volontaire » et n’est pas toujours favorable à la bactérie). Dans les cocktails de phages, ces derniers ciblent la même bactérie, mais, en quelque sorte, sous différents angles, ce qui diminue justement le risque de mutations.
Y-a-t-il des risques à utiliser les phages ?
Il n’y a pas de risques à utiliser les phages, car nous les côtoyons sans le savoir depuis le début de notre évolu- tion : ils sont dans notre corps, dans notre environne- ment, dans l’air ou dans l’eau. De plus, leur utilisation est très facile, et nous y sommes très tolérants.
Cependant, si ces virus sont partout dans la nature, il faut distinguer les préparations de phages thérapeu- tiques. C’est la qualité du prélèvement et des analyses qui déterminent l’efficacité des phages, d’où la néces- sité de recréer des collections (phagothèques) et de former des professionnels spécialisés, car les prélève-
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Rebelle-Santé N° 197
SCIENCE
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