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PSYCHOLOGIE
par lui », etc. Ensuite chaque assertion sera passée au crible des 4 questions du protocole :
• Est-ce que c’est vrai ? • Suis-je absolument sûr.e que c’est vrai ? • Comment est-ce que je réagis quand je crois cette pensée ? • Qui serais-je sans cette pensée ?
Les deux premières questions nous interrogent sur la réalité de ce que nous croyons. La troisième met en lumière nos réactions provoquées par cette pensée. La quatrième nous projette dans la même situation, sans la pensée négative. En faisant l’exercice honnêtement, on réalise que c’est notre filtre mental qui teinte une situation de stress... Ce n’est pas le monde qui nous entoure qui nous fait souffrir, mais ce que nous pensons du monde qui nous entoure...
Enfin, reste à faire « le retournement ». C’est-à-dire « retourner » la pensée à l’opposé, vers l’autre ou vers soi. L’affirmation « Alain ne m’écoute pas », se retourne ainsi : « Alain m’écoute » (opposé), « Je n’écoute pas Alain » (moi vers l’autre) ou « Je ne m’écoute pas » (moi vers moi).
On prend ainsi conscience que ce qu’on n’aime pas chez l’autre, on l’a aussi chez soi, sans forcément le voir...
LA PRATIQUE
La méthode se pratique seul.e ou accompagné.e par des personnes formées. Elle a fait son entrée dans les prisons, les hôpitaux, les écoles ou en entreprise. Via des ONG, le Travail est également mis en application au Zimbabwe auprès des malades du SIDA ou encore au Vietnam et au Cambodge auprès des travailleurs du sexe.
Byron Katie est maintenant mondialement connue, surtout depuis la parution en 2003 de son best-seller Aimer ce qui est. Elle anime des conférences et des ateliers partout dans le monde pour faire connaître le Travail et vient de faire paraÎtre un nouvel ouvrage Le retournement. Nous l’avons rencontrée cet été à l’occasion de son passage à Paris et testé sa méthode.
R.-S. : Quelle est cette notion de retournement ?
Byron Katie : Le retournement est une partie très puis- sante du Travail. Tant que vous pensez que la cause de votre problème est extérieure – tant que vous croyez que quelqu’un ou quelque chose d’autre est respon- sable de votre souffrance –, la situation est sans espoir. Le retournement (l'inversion du sens de l'affirma- tion) arrive naturellement lorsque nous nous posons des questions sur ce que nous pensons et croyons.
Si je crois que quelqu'un m'est hostile, mais que je parviens à identifier ce que je pense de lui, mes émo- tions vis-à-vis de cette personne et la façon dont je la vois seront complètement différentes. Par exemple, je suis en colère après quelqu’un. Je m'interroge sur ce que je pense de lui. Je me mets en capacité de com- prendre et d'entendre, et je ne suis plus en colère. C'est une position plus sage, qui a plus de hauteur que la colère qui est liée à la peur.
Donc, si Steven a renversé du café sur ma robe, je suis très en colère après lui pour sa maladresse. Si je recense toutes les pensées qui me sont venues et qui sont la cause de cette colère, si j'identifie ces causes et que je les remette en question, il y a de quoi rire. Mon mental entier est chamboulé, on aurait pu tous les deux simplement sécher ma robe ! La colère n'est pas la façon la plus intelligente de prendre soin de nos vies et de nos relations.
Dans le processus de retournement, il y a aussi l’effet miroir...
Toutes les pensées que j'ai à ton propos pourraient s'appliquer à moi-même. Si je réfléchis bien à ce que je pense de toi, ça change ma façon de penser à ton sujet et ça me rapproche de toi. Si je me contente de trouver des contraires à la pensée de départ, par exemple : « Il se fiche de moi, mais non il ne se fiche pas de moi », ça ne va pas me changer grand-chose. Ça ressemble davantage à de la pensée positive. Par contre, les quatre questions et le fait de méditer sur les affirmations contraires, c'est ce qui va changer notre vie à jamais.
N’est-ce pas un exercice de projection mentale ?
C'est un processus méditatif, ça nécessite d'être calme. C'est à moi de réfléchir à « qui je serais sans cette pensée ». Steven a renversé du café sur ma robe, immédiatement je peux être en colère. Et plus tard, je remplis une feuille de Travail (voir encadré page 24) et je médite sur les pensées que j'avais à ce moment-là. La prochaine fois que je verrai Steven, je rirai proba- blement, plutôt que de lui garder rancœur.
Le Travail remet en cause les pensées négatives. Sont-elles toujours fausses ?
Le Travail aide à modifier la façon dont on perçoit l'ex- térieur. Par exemple (sur un ton triste) : « Oh, il ne fait pas attention à moi ». Si je Travaille ça, je me retrouve avec (d'une façon légère, presque joyeuse) : « Tiens, il ne fait pas attention à moi ». Ça me laisse curieuse et ouverte, mais sans la sensation d'être délaissée. Ce sont les mêmes pensées, mais avec des compréhen- sions différentes.
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