Page 67 - Rebelle-Santé n° 210
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LIVRES
La sorcellerie en héritage
Que nous révèlent les procès en sorcellerie du XVIe siècle sur notre monde contemporain et la vision des femmes dans notre société ? Contraire- ment au préjugé tenace qui assimile la persécution des sorcières à l’obscurantisme du Moyen-Âge, les procès en sorcellerie se sont multipliés à partir de la naissance de l’imprimerie avec la publication du Malleus maleficarum (Le Marteau des sorcières) en 1487, pour justifier la domination de la femme par l’homme depuis l’époque moderne jusqu’à aujourd’hui. Car, comme le montre la journaliste et essayiste Mona Chollet dans ce livre lumineux, « la sorcière est une femme qui tient debout toute seule ». Par la terreur de la chasse aux sorcières, les femmes ont été réduites à leur rôle de reproductrice, soumises dans l’ordre patriarcal à leur père puis à leur mari. C’est pourquoi les mouvements féministes
Vaincre l’obésité morbide
Navie faisait 127 kilos pour 1 m 54. Comme elle l’ex- plique, à ce niveau, il n’était plus question de pression sociale ni d’estime de soi, mais simplement de sa santé. Pas facile de maigrir quand on souffre d’hyperphagie, une addiction à la nourriture qui la pousse compulsi- vement au MacDo et au supermarché. Pour son fils, Lucien, elle décide de se prendre en main. Un jour, un médecin lui fait prendre conscience qu’elle porte sur son dos l’équivalent du poids moyen d’une femme de sa taille. C’est à ce double imaginaire qu’elle déclare la guerre et parvient à perdre 55 kilos. Et si ce double n’existait pas ? Dans ce témoignage intime, les mots sonnent juste, retranscrits avec brio en rouge et noir par le trait dynamique de la dessinatrice Audrey Lainé. Sur- tout, Navie plonge au-delà des apparences pour saisir dans la masse des kilos à perdre les abîmes d’angoisse et de complexes qui la révèlent à elle-même. Une leçon pour être au-delà du paraître.
occidentaux ont repris dès l’origine, et surtout à par- tir de la fin des années 1960, le modèle de la sorcière pour revendiquer leur insoumission et leur autono- mie. En s’appuyant sur de nombreux témoignages et notamment les textes de Guy Bechtel, La sorcière et l’Occident (1997) et de Silvia Federici, Caliban et la Sorcière, (traduit en France en 2004), ce livre analyse comment les chasses aux sorcières ont façonné nos représentations de la femme. Une virée pour recon- naître les origines de la stigmatisation contempo- raine, aux différents âges de la vie : de la répression du désir d’autonomie des plus jeunes filles qu’on élève avec l’idéal d’un prince charmant à la mise à l’index des femmes qui refusent d’avoir des enfants, jusqu’à la répulsion et l’exclusion de la société pour la femme plus âgée, après la ménopause, pour qui la vieillesse n’est pas synonyme, comme pour les hommes, de sagesse mais de décrépitude. Contre le système masculiniste institutionnalisé, Mona Chollet invite à penser le monde différemment, en se libérant de la culpabilisation diabolisante des femmes insou- mises et hors-normes. Elle invite toutes les femmes à reprendre le pouvoir sur leur corps et leurs rêves. « La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie ».
Une ode à l’insoumission et à l’indépendance pour apprendre à s’aimer en tant que femme, dans un essai argumenté, salutaire et indispensable.
Sorcières - La Puissance invaincue des femmes Mona Chollet. Éditions La découverte - 256 pages – 14 x 20 cm - 18 €.
Moi en double Navie et Audrey Lainé. Éditions Delcourt - 144 pages - 16,5 x 23 cm - 15,50 €.
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