Page 100 - Rebelle-Santé n° 202
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corps-esprit
pluie les larmes qu’ils retiennent, d’autres se lovent dans les bras de la terre au contact de tous ses élé- ments. Les uns vibrent au son du tonnerre, cependant que les autres reposent dans le lit chantant des rivières. À voir ce qu’il convient.
Le passage à L’acte
Grand agitateur de pensées, le mental se débat dans l’étroitesse de son bocal, cherchant sans parvenir à le trouver un point d’oxygène régénérant. Le haïku est à portée de tous les souffles d’intention. Prenez une feuille blanche comme on pose le bout de ses pieds sur une terre vierge par peur de la salir, et laissez-vous considérer l’immensité qui vous est présentée. Rare est situation pareillement offerte, profitez-en. Engagez- vous sur le chemin qui mène à soi, c’est le moment de laisser les mots construire un pont entre votre souhait de libération et sa réalisation.
Voici quelques modèles propices à stimuler votre ins- piration.
Papillon À quoi rêves-tu ? Frémissement des ailes... (Chiyo-ni)
La lecture d’un haïku s’apparente à la traversée des grands espaces où la notion du temps se perd. C’est ain- si qu’en frôlant le petit on découvre l’immensité. Figé sur la neige d’un papier glacé, l’insecte est comme abandonné dans sa nudité. Qu’en est-il de ce contact immobile ? Dort-il ? Rêve-t-il ? Au moins entend-il la question ? Et d’ailleurs, existe t-il ce papillon ? Soudain, l’instant accordé à la réflexion rencontre le frémisse- ment des ailes porteur de la réponse. Le haïku entre dans la vie de ceux qui s’interrogent sur le sens de leurs joies et le prix de leurs peines. Il ne laisse jamais rien à peu près et encore moins bloqué. Il est une espérance pour ceux qui doutent pouvoir trouver la place qui leur convient. Et devant d’autres qui croient avoir tout découvert, il réduit en éclats les certitudes insolentes, révélant la subtilité des saveurs de la simplicité.
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petit poème deviendra grand
Quelques mots et voilà l’infini. C’est toute la magie du haïku qui sait être libre et conserver sa liberté sans jamais se laisser capturer dans les filets des dogmes. Le voyage est heureux puisqu’il est sans contraintes. Lire vous instruit de la sagesse des autres et vous nourrit de leur inspiration. Écrire vous conduit à votre propre source, c’est le début de la libération. Comme les papillons effleurent le cœur des campa- nules, les mots se posent dans leur silence.
Sois fidèle ! Même la fleur sans voix Parle au creux de ton oreille (Onitsura)
La lecture du haïku se traduit par l’écoute. Soyez bien attentif, que vous dit cette “fleur sans voix” ? Une des grandes qualités de la pratique est d’ouvrir le temps pour qu’en cet espace révélé, vous acceptiez d’abandonner l’effervescence.
Les pieds en éventail Cerises blanches, roses, rouges, Il suffit d’attendre (Thierry Cazals)
Ce temps hors du temps vous laisse entrer dans le jardin où les fruits sont prêts à être cueillis, où les fleurs vous invitent à pénétrer la suavité d’un insaisissable parfum.
Un jour, je trouverai les mots justes et ils seront simples
(Jack Kerouac)
guérir de soi et du monde par La pratique des haïku Tout commence avec l’acte d’impliquer son propre soi dans le parcours des textes minuscules, et oser les poser sur la page comme des étoiles de mer échouées sur une plage. Les mini-poèmes sont des gouttes de rosée données à contempler. Inutile de chercher à comprendre, le sens profondément caché est un en- seignement de l’âme offert au cœur, au corps et à la
© Illustrations : Pascale Barithel


































































































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