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SOCIÉTÉ ET RURALITÉ
Sylvie Le Calvez a fondé avec une amie le maga- zine Village en 1993. Aujourd’hui, en plus du magazine, elle donne aussi des cours à l’Uni-
versité de Caen et anime toutes sortes de confé- rences. Cette fille de paysans normands s’est enga- gée très tôt pour le développement durable et n’a de cesse, depuis, de porter un autre regard sur l’avenir du monde rural. Depuis un petit village de 250 habi- tants, Saint-Paul dans l’Orne, le trimestriel Village ré- siste au pessimisme ambiant et célèbre le dynamisme des campagnes.
Rebelle-Santé :
Comment le magazine Village est-il né ?
Sylvie Le Calvez :
Mes parents avaient une petite ferme traditionnelle en polyculture-élevage dans l’Orne et j’ai d’abord suivi des études agricoles. Je voulais travailler dans la transformation et la vente directe de produits agricoles mais, à cette époque, les problématiques de relocalisation de l’alimentation et des circuits courts n’avaient pas encore imprégné les mentali- tés. C’étaient les années 1980, et je remarquais déjà combien le monde agricole était de plus en plus coupé du reste de la société. J’ai donc bifurqué et repris des études de lettres puis de communication. J’ai travaillé ensuite pour le journal Ouest-France, puis pour une agence de conseil et communication à la Rochelle où je m’occupais de thématiques autour de sujets agricoles et environnementaux auprès des collectivités territoriales.
C’est dans ce contexte qu’a germé en moi l’idée de faire un magazine. En effet, rien n’existait alors en kiosque sur le monde rural et il fallait aller chercher les informations auprès des bulletins publiés par les associations ou les fédérations militantes. Je rêvais à mon tour de monter mon magazine indépendant et d’offrir un autre regard sur la ruralité. D’anciens collègues de Ouest-France m’ont aidée à faire une première maquette, mais je ne me sentais pas de me lancer dans un projet de cette ampleur toute seule. Quand Claire Lelièvre, une autre collègue de travail, m’a dit qu’elle était prête à s’associer avec moi, à deux, nous nous sommes senties plus fortes et nous avons démarré les premiers numéros de ce qui s’ap- pelait alors L’Acteur rural.
Quelle était l’ambition de L’Acteur rural au départ ?
Nous voulions faire un magazine sur le thème de la ruralité, mais dans des perspectives positives et ou- vertes, en dehors de l’antagonisme stérile qui oppose la ruralité et l’urbanité, en montrant au contraire la complémentarité entre les villes et les campagnes. En 1993, quand nous nous sommes lancées, Claire avait 26 ans et moi 29, on voulait aussi montrer qu’il
Sylvie Le Calvez
était possible de créer un magazine de qualité depuis la campagne, en nous installant dans un bâtiment au fin fond d’un champ. Il n’y avait pas de chemin d’accès et chaque matin, on s’y rendait en bottes en rapportant du bois pour alimenter le poêle durant la journée. Nous travaillions alors sur disquettes et dia- positives qu’il fallait déposer chez le maquettiste à Caen puis chez le photograveur à Rennes. Le maga- zine se vendait alors uniquement sur abonnement. Les débuts étaient encourageants, mais ce n’était pas suffisant pour parvenir à l’équilibre financier.
La rencontre avec Michel Hommell deux ans plus tard a été décisive. Il avait édité un titre qui s’appelait Village magazine mais qui ne traitait pas du tout du développement local ou de la vie des territoires. C’était un magazine axé sur le tourisme dans les vil- lages et fait depuis Paris. Il nous a cédé le titre pour un euro symbolique, ce qui nous a permis de pour- suivre notre aventure grâce à la diffusion en kiosque. Un vrai coup de pouce car il nous a laissées tota- lement libres de nos choix éditoriaux. Quand il est parti à la retraite, j’ai racheté ses parts.
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