Page 10 - Rebelle-Santé n° 201 - Extrait "Artichaut-moutons-gueule de bois"
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Écologie pratique
LEs rEcEttEs DE tEinturE naturELLE
Pour réaliser mes créations, j’ai profité des teintes naturelles de mes toisons. Bianca m’offrait un noir profond, Ella un caramel doré. J’ai aussi récupéré auprès du berger un camaïeu de brun, du blanc et même du gris. On peut aussi, à partir de la laine blanche, s’essayer à la teinture. La teintu- rerie est un art qui ne va pas de soi. Si vous pensez qu’il vous suf- fit de plonger votre laine blanche
dans du jus de betterave pour obtenir du rose, vous obtiendrez juste un marron qui ne tiendra pas, car on ne s’improvise pas teinturier, ça s’apprend. Tous les
processus relèvent de la chimie et de connaissances propres à chaque pigment selon les plantes.
Un des meilleurs guides pour commencer est celui d’Élisabeth Dumont, botaniste et biochimiste de formation. Son livre Teindre avec les plantes détaille comment utiliser les principales plantes tinctoriales, sauvages ou cultivables, facilement accessibles, en décrivant les résultats selon les textiles. L’ouvrage est très accessible et pratique, expliquant les grands principes de la teinture comme le mordançage ou l’oxydation, par exemple, avec de nombreuses photos.
• Teindre avec les plantes, Les plantes tinctoriales et leur utilisation, Élisabeth Dumont. Éditions Ulmer. 128 pages. 15,20 €.
agir contre le gâchis au troupeau
Avec près de 200 bêtes à tondre cette année, le trou- peau d’Alexandre le berger s’agrandit. En une journée, Philibert vient à bout des toisons. De son geste expert, il déshabille les brebis et la laine s’amasse. Dans une ambiance conviviale, nous sommes une petite dizaine à être de la partie pour soutenir la cadence en récupé- rant les toisons, dont on enlève les parties les plus sales, pour ensuite les trier en fonction des couleurs et remplir d’énormes sacs. L’un de nous prend place à l’intérieur des sacs et tasse la laine comme on foulerait le raisin. Les toisons s’empilent. Le regard transformé par le virus de la laine, je regarde ce troupeau comme un peintre sa palette. En tout, ce sont environ 200 kilos de laine brute qui sont récoltés à la fin de l’après-midi. Pourtant, le berger reste sombre. Pour lui, ce sont 200 kilos qui lui coûtent et lui resteront sur les bras. Que faire ? Où les entreposer ? Misère. Il payera au tondeur un peu moins de deux euros par toison, quand il ne peut espé- rer vendre la laine qu’à 1 euro le kilo, s’il la vend, car il sait qu’il ne la vendra pas, comme celle de l’an dernier qu’il a fini par étaler en paillage chez un ami maraî- cher. L’industrie ne s’intéresse pas aux laines bigarrées d’un troupeau métissé. Quel gâchis ! Tout le travail que représente la transformation de la laine brute a fini de condamner sa rentabilité. Reflet terrible de la société dans laquelle nous vivons qui fait d’une richesse un déchet... Le cours de la laine est si bas qu’il menace directement l’activité des éleveurs et des tondeurs. Sur les centaines de milliers de tonnes que représente la production annuelle de laine en France, on estime à plus de la moitié la perte de matière, quand à peine 10 % sont travaillés localement, le reste étant exporté vers l'Asie (principalement la Chine et l'Inde).
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un projet LocaL
Face à ce constat, à notre niveau, avec deux amies, nous avons décidé d’agir pour trouver des débouchés à cette laine et soutenir le courageux berger de Fontainebleau qui, rappelons-le, avec son troupeau, mène à bien un projet soutenu par l’ONF en faveur de la biodiversité des espaces forestiers. Tout l’été, nous nous sommes initiées à la transformation de la laine, au feutrage et même à la teinture. Nous réfléchissons à monter une association pour réunir des personnes motivées. Pour nous lancer, nous avons pris un stand au marché de Noël de Thomery (77) qui se déroulera le week-end du 9 et 10 décembre, à la salle de la plage, pour vendre quelques créations et surtout rencontrer, sensibiliser et rassembler les bonnes volontés autour de notre projet. Le rendez-vous est pris ! L. S.
Photos © Lucie Servin