Page 33 - Rebelle-Santé n° 226
P. 33
SOCIÉTÉ
Muscler son esprit critique en philosophant reste le meilleur remède pour se prémunir face au flot d’informations qui nous submergent autour de la pandémie de Covid-19. La conscience des biais cognitifs et du fonctionnement de notre cerveau peut ainsi nous aider à mieux analyser ces informations, en identifiant les émotions qu’elles suscitent et les questions auxquelles elles répondent.
La crise du nouveau coronavirus nous met face à une situation de danger et d’incertitude qui pré- cipite nos décisions et nos prises de position.
Comment se retrouver dans la masse de commentaires générés autour du Covid-19 ? Faut-il écouter les mé- dias qui relayent les recommandations officielles et compter jour après jour le nombre des morts qui aug- mente ? Les drames, l’angoisse et le stress de toutes les populations touchées et confinées s’expriment sur le web. Difficile de s’y retrouver entre les blogs et les réseaux sociaux, alors que le sujet nous oblige à nous improviser scientifique, nous force à aborder peu ou prou des domaines nouveaux comme la virologie, la médecine ou l’épidémiologie.
LES BIAIS COGNITIFS
Un « biais cognitif » est une notion définie au début des années 1970 qui désigne simplement une ten- dance automatique du cerveau à traiter une informa- tion. Comme un raccourci mental, le biais sert de filtre pour court-circuiter l’analyse et donner une interpré- tation immédiate et faussée du réel afin d’accélérer la prise de décision.
Ni bon, ni mauvais, le biais cognitif est un mode opéra- toire de notre esprit humain, comme nous le constatons en observant les illusions d’optique. Près de 200 biais cognitifs ont été recensés, ils concernent les erreurs de perception, de logique, d’évaluation... Ces mécanismes inconscients font partie du fonctionnement normal de notre cerveau. Ils nous servent dans la vie. Toutefois, si nous y prêtons nous-même peu d’attention, ils n’inté- ressent pas seulement les psychologues et sont aussi enseignés dans les cours de marketing pour élaborer les stratégies publicitaires ou la communication politique. Exercer son esprit critique, c’est prendre conscience de ces failles dans nos raisonnements, avant d’affir- mer catégoriquement une opinion.
Il existe par exemple un « biais rétrospectif », qui nous fait considérer une situation passée comme devant nécessairement se produire. Mais qui pourra prévoir quelles seront toutes les conséquences liées au coro- navirus ?
LES FAKE NEWS
Aujourd’hui, c’est le 23 avril, lors d’une conférence de presse quotidienne, le président des États-Unis pro- pose de soigner du Covid-19 en injectant du désin- fectant dans les poumons des malades ou encore de les exposer aux UV. Des pistes, selon lui, à creuser. À la tête de la plus grande puissance mondiale, Donald Trump atteint des sommets d’irresponsabilité, il est le roi des « fake news ». Cet anglicisme s’est imposé avec la révolution internet, qui, en dix ans, a produit plus de données que l’imprimerie en plus de 500 ans. Mais en réalité « la fausse nouvelle » a toujours existé, qu’elle soit rumeur ou propagande quand elle sert des intérêts politiques et commerciaux, ou bien qu’elle témoigne de l’expression inconsciente d’un préjugé. Car dans la « fake news », c’est le raisonnement qui est faux, et il n’existe pas forcément de solution ou de « vérité » à opposer de manière indiscutable contre une conclusion.
Avoir en tête ces différents biais cognitifs peut servir à filtrer les informations et à fonder son jugement cri- tique en prenant conscience de cette zone d’incerti- tude, afin de mieux comprendre les différents partis pris et de mieux écouter les autres.
Rebelle-Santé N° 226 33
© John Iglar - Pixabay