Page 17 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
MANSOUR, hochant la tête. - Arrête de délirer, Jaber !
JABER. - Par ta vie ! Ce n’est pas du tout du délire. C’est sa servante Zoumourroude qui me l’a dit. Elle m’a rapporté mille et une choses. (Ses yeux brillent.) Ah !... Quelle fille, Mansour ! Elle est sans pareille quand elle raconte les histoires. (En parlant, il fait un tas de mimiques.) Elle cligne de l’œil, elle rit et son corps se ploie quand elle parle au point de faire bouillonner de désir le sang de celui qui l’écoute. Chaque fois que je la vois, elle me fait beugler comme un taureau. Elle est aussi experte que sa maitresse. Elle me comble de promesses mais elle ne me laisse pas la possibilité de les concrétiser.
MANSOUR, se plaignant. - Regardez ce qu’il s’est mis dans la tête ! JABER. - Et qu’est-ce que tu crois que j’aie dans la tête ?
MANSOUR. - Tu ne vois pas que les affaires ne vont pas comme il faut ? JABER. - Et quand donc les affaires sont-elles bien allées ?
MANSOUR. - Cette fois, c’est différent. La situation s’est compliquée et elle est extrêmement confuse.
JABER. - La situation peut empirer et s’agiter comme les eaux du Tigre mais ce n’est pas mon problème.
MANSOUR. - Pas ton problème ! La situation est tout à fait confuse. Le différend entre le calife et le vizir est à son comble.
JABER. - Et qu’est-ce que nous en avons à faire, nous ? Tu veux qu’on les empêche de se disputer ?
MANSOUR. - Qui sommes-nous d’ailleurs pour nous interposer ?
JABER. - Qu’ils se disputent donc, et que chacun crève l’œil de l’autre. Je ne me frapperai pas les joues ni ne déchirerai mes habits parce que le calife et le vizir se disputent.
MANSOUR. - Chut !... (Il se tourne, regarde autour de lui craignant que quelqu’un les entende.) Avale ta langue, sinon ils te trancheront la gorge. Je ne serai pas étonné si un jour je vois que tu as la langue coupée.
JABER. - Et moi, je ne serai pas surpris si je te vois pendu pour des raisons politiques. Tu as donc oublié que les potences de Bagdad ne sont approvisionnées que par des raisons politiques ? D’ailleurs, qu’est-ce qui te regarde dans le différend entre le calife et le vizir pour que tu sois à ce point préoccupé ? (Un instant... puis brusquement.) Écoute... J’ai changé d’avis. MANSOUR. - Tu as changé d’avis ?
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