Page 18 - L'AVENTURE DE JABER

L’Aventure de Jaber
JABER. - Je n’aime pas que tu te mêles de ces affaires. Tu seras habile à tramer les complots si je te nomme mon vizir. (Mansour se met à ronchonner ; il essaie de l’interrompre mais Jaber poursuit avec le même enjouement.) Quand je serai calife, je chercherai un vizir sot et fidèle. C’est plus rassurant.
MANSOUR. - Ha !... Ha !... Par Dieu ! Épargne-moi tes plaisanteries. JABER. - Mais je ne comprends pas pourquoi tu sembles un poussin en train de se noyer ? Tout cela parce que le calife et le vizir ne s’entendent pas. MANSOUR. - Le désaccord a atteint un maximum de violence.
JABER. - Il faut que la mésentente soit extrêmement violente pour qu’elle soit digne d’un calife et d’un vizir.
MANSOUR. - Tu ne mesures donc pas le danger qui nous guette. La suite sera, elle aussi, brutale. Celui qui a vu notre maitre, le vizir, sortir hier de son diwan, aurait cru voir une tempête se lever. Il avait les yeux rouges, le visage terne ; il se mordait la moustache.
JABER. - Quand notre maitre se mord la moustache c’est qu’il projette sans doute quelque chose d’inquiétant.
MANSOUR. - Aussitôt après être sorti, il a contacté ses amis. Nul n’est au courant de ce qui se passe, mais je flaire un grand danger.
JABER. - Si l’un d’eux assassine l’autre, il y aura au moins un poste vacant à Bagdad.
MANSOUR. - Et nous ?... As-tu pensé à ce qui nous adviendrait ?
JABER. - À ce qui nous arriverait ? Nous nous mettrons à l’abri et nous regarderons en spectateurs.
MANSOUR. - Tu verrais l’enfer avant peut-être. Par Dieu ! Comment veux- tu que nous assistions à une discorde entre le calife et notre maitre, le vizir ? JABER. - Comme font les autres. Nous ouvrirons les yeux et nous jouirons du spectacle.
MANSOUR. - Il veut s’amuser aussi... Quel fou !... Pense à notre destin si la discorde s’enflamme.
JABER. - Quel rapport avec notre destin ? La vésicule biliaire de notre maitre, le vizir, pourrait éclater de chagrin ou le cœur de notre seigneur, le calife, s’arrêterait de battre de colère. Quant à nous, nous n’aurons pas de problème avec notre vésicule ni avec notre cœur.
MANSOUR. - C’est facile à dire mais si le feu se déclare, nous serons le bois qui l’alimentera.
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