Page 41 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
ABDELLATIF. - Tu as toi-même trop tardé et tu étais d’avis que l’affaire nécessitait une longue préparation.
LE VIZIR. - Certes. Il était nécessaire de nous assurer l’obéissance d’un certain nombre de commandants et de prendre certaines dispositions. Comment aurions-nous pu les convaincre de l’invasion si nous ne leur avions pas garanti la victoire ?
ABDELLATIF. - De toute façon, ça ne sert à rien maintenant de nous chamailler. Nous avons finalement pris une résolution ferme et nous nous sommes mis d’accord pour envoyer la missive.
LE VIZIR, il prend du tabac à priser et éternue. - Oui. Nous avons pris cette ferme résolution quand l’initiative nous a échappé. (Il éternue plusieurs fois de suite. Un peu de silence tendu règne.)
ABDELLATIF. - Dis-moi. Crois-tu qu’ils aient découvert notre stratagème ou qu’il s’agit de simples mesures préventives ?
LE VIZIR. - Certes, ils ont des doutes. Abdallah a un réseau impressionnant de collaborateurs et d’informateurs. N’as-tu pas remarqué que la troupe qu’ils ont utilisée pour encercler Bagdad était celle du palais qu’Abdallah commande en personne ? Eh oui !... C’est une troupe où nous n’avons pas d’alliés. Ils ne connaissent peut-être pas le plan dans ses détails, mais ils se méfient et prennent des précautions contre toute éventualité.
ABDELLATIF. - Si vraiment ils savaient, ils auraient précipité le choc. Ce sera peut-être leur prochaine étape.
LE VIZIR. - Le choc... Ah non ! (Il prend une prise et éternue.) Ils ne vont pas s’aventurer maintenant. Abdallah est rusé. Il sait que les résultats ne sont pas garantis. (Un moment.) On connait leur prochaine étape. Ils vont avant tout contacter les gouverneurs des provinces et s’assurer des renforts. Ils vont faire toutes les concessions que les gouverneurs demanderont. Ils vont leur offrir l’indépendance si nécessaire pour garantir l’arrivée des troupes. Mais, avant cela, ils ne s’aventureront pas à chercher l’affrontement. Nous aurons devant nous un temps d’observation et de répit.
ABDELLATIF. - Il est néanmoins utile de prendre quelques précautions. Il y a toujours des surprises. Qui sait? Le peuple pourrait exploiter ces circonstances et allumer alors le feu de la révolte. Personne ne saura comment la situation tournera.
LE VIZIR, avec dédain. - Le peuple ! Mais qui lui prête attention ? Non ! Il ne nous fait pas peur. Il suffit que tu brandisses le bâton pour qu’il s’écrase et
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