Page 43 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
LE VIZIR. - Oui, tout le monde, et n’oublie pas que les espions d’Abdallah tournent autour de nous comme des mouches. (Un instant.) Ah ! Ils ont gagné un point mais ils n’ont pas gagné la partie et ils ne la gagneront pas tant que je serai en vie.
LE GARDE, embarrassé et craintif. - Maitre! Le mamelouk insiste beaucoup pour se présenter auprès de vous. Il prétend avoir un sujet important qui ne peut attendre.
LE VIZIR, en colère. - Il insiste, il insiste. Que veut-il ce corbeau ?
LE GARDE. - Je ne sais pas, Maitre.
ABDELLATIF. - Bon !... Je vais partir maintenant.
LE VIZIR. - N’oublie pas qu’ils sont en train de resserrer la surveillance. ABDELLATIF. - Rassure-toi !
LE VIZIR, un instant après. - Laisse ce corbeau entrer. Il servira de leçon aux autres s’il est venu pour rien.
LE GARDE, faisant la révérence à reculons. - J’écoute et j’obéis. (Quand il arrive à la porte, il crie.) Que le mamelouk de notre maitre, le vizir, entre !
Jaber entre. La joie danse sur les traits de son visage et ses yeux pétillent d’intelligence. Il fait des courbettes et exagère les gestes de politesse pour rendre évidente sa fausse humilité.
JABER, toujours courbé. - Que le salut soit sur mon Seigneur et mon bienfaiteur, le vizir vénéré de Bagdad !
LE VIZIR, avec indifférence. - N’es-tu pas Jaber, le mamelouk, à la langue de vipère ?
JABER. - Que Dieu prolonge la vie de notre Maitre, le vizir, et qu’il abrège celle de ses ennemis. Oui, c’est moi Jaber, votre mamelouk.
LE VIZIR. - Que veux-tu ?
JABER. - Que les jours de mon Seigneur soient pleins de félicité et ses projets couronnés de succès !
LE VIZIR, il prend sa prise de tabac. - Vas-y et n’éternise pas ton bavardage. Malheur à toi si tu viens me voir pour un rien !
JABER, tandis que le vizir se met à éternuer. - Loin de là, Sire, par le Maitre de la Kaaba !... Quand j’ai su que notre Sire, le vizir, était affligé, j’ai eu grand-peine et la terre s’est rétrécie à mes yeux au point qu’elle est devenue un simple dé à coudre.
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