Page 59 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
procurerons toutes les sommes nécessaires.
LE CALIFE, souriant. - Une dime exceptionnelle ! Que Dieu nous garde de ta subtilité ! C’est une idée raisonnable mais elle n’est pas sans danger. Je crains que cette taxe fasse grogner les gens. Dans les circonstances actuelles, la grogne peut se transformer en discorde. Les événements pourraient alors se retourner complètement.
ABDALLAH. - Une discorde ! Le peuple de Bagdad sème la discorde ! (Apparaissent sur son visage les signes les plus terribles de dédain.) Tu connais mal tes sujets, ô Calife des musulmans ! Mais moi, je les connais bien. Ils se plaindront peut-être, mais dès qu’ils verront le visage d’un garde, ils mâcheront leur grogne et l’avaleront avec leur salive. À la fin, ils se précipiteront pour creuser le sol afin de s’acquitter de la taxe.
LE CALIFE. – Comme tu parais sûr de tes plans et de tes jugements ! ABDALLAH. – Tu me connais brillant calculateur, et un bon calculateur ne rate pas l’occasion d’agir. Tout est bien calculé, c’est le bon moment. Ô Calife des musulmans, donne tes ordres et apprêtons-nous à asséner le coup fatal.
LE CALIFE. – Puisque tu es à ce point sûr, que la volonté du Seigneur soit faite !
UN CLIENT. – La volonté du Seigneur ou la volonté de ce malin ?
LE CONTEUR, alors que les deux acteurs se retirent en emportant avec eux les éléments du décor. - « C’est ce qui se passa entre le calife et son frère Abdallah. Quant à la population de Bagdad, sa situation ne faisait qu’empirer. Elle était hantée par l’angoisse et taraudée par la peur. Les gens se couchaient sans savoir comment ils se réveilleraient. La vie devint encore plus dure. Le pain manqua. La pénurie s’accrut. La peur commença à se mêler à la faim et le malheur à la nécessité. Et les langues desséchées de s’écrier : « Ô Toi, Dieu le Clairvoyant !». »
Pendant que le conteur parle, entre une femme encore jeune portant un bébé dans ses bras. L’actrice qui a joué le rôle de la Femme 2 incarne ce rôle. Décor d’une chambre misérable qui ressemble à une cabane. Elle s’assoit, blême et malheureuse, mettant son bébé sur ses genoux. Le petit ne cesse de crier et de pleurer. La femme est extrêmement pauvre et malheureuse. Elle semble attendre.
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