Page 80 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
calmement une grosse hache.) Mais, j’ai à Bagdad des affaires qui m’attendent et qui ne peuvent pas être ajournées. (Il essaie de rire familièrement mais il rit jaune.) Une femme qui nous fait tourner la tête se pare maintenant à Bagdad : elle attend mon retour. Je te dis qu’au moment où j’ai remis la missive je n’étais plus un mamelouk comme les autres. Le vizir m’a prodigué ses récompenses. Il me prépare une situation remarquable, il me mariera et me donnera une fortune. (Il tapote tendrement sur son épaule et sourit.) Une récompense alléchante dont nul homme ne rêve. Ah ! (Il murmure comme s’il cherchait sa faveur.) C’est moi qui ai trouvé l’astuce pour sortir avec la missive de la ville malgré la forte surveillance à ses portes. Que sa joie était grande ! Si tu avais vu comment il m’avait embrassé quand j’ai voulu partir. Il m’a embrassé. Tu t’imagines ! Par Dieu ! Le vizir lui- même m’a embrassé comme je t’embrasse maintenant. (Il essaie d’embrasser Lahab en affectant de plaisanter mais ce dernier le repousse brutalement et le jette de côté.) Mon Dieu ! Que ton bras est fort ! Mais tu ne parais pas gai ! (Lahab se lève, il apprête le socle de bois et apporte les chaines. Jaber le suit avec des yeux exorbités.) Je sais... je sais... Chacun a son caractère. Mais as- tu compris maintenant le secret de ma hâte ? Je ne pourrai même pas passer la nuit ici. Elle est maintenant en train de faire sa toilette et d’attendre. Tu sais ? Une femme se lasse vite d’attendre. (Après avoir fini de tout préparer, Lahab saisit Jaber par les bras ; il lui lie les mains derrière le dos et le ligote brutalement avec les chaines. Jaber blêmit ; le regard hagard, il balbutie quelques paroles.) Mais, que fais-tu ? Par Dieu ! Qu’est-ce que cela ? Mon sire, le roi Mounkatem, veut certainement plaisanter avec moi. (Lahab jette Jaber à terre. Il l’oblige à se mettre à genoux et lui ligote aussi les pieds. Jaber hurle.) Ô mon Dieu ! Que fais-tu ? Je suis maintenant un homme haut placé, j’ai épouse et fortune. J’ai transmis la missive de la meilleure façon, et je dois rentrer pour obtenir la récompense, ma récompense. Pitié !... Pitié !
La voix disparait même si on continue à voir les yeux exorbités de Jaber ainsi que les mouvements de sa bouche qui crie et appelle à l’aide. Il tente de s’échapper mais les liens sont solides. La scène se poursuit et se termine par une mimique accompagnant les paroles du conteur .
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