Page 78 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
HALAOUN. - Je ne serai pas un commandant digne de l’armée du roi Mounkatem ibn Daoud tant que je n’aurai pas dévasté les remparts de Bagdad.
LE ROI. - Apprête donc l’armée et prépare-toi ! Bagdad sera tienne. On te confiera le commandement de l’armée. Je veux, cependant, que tout s’accomplisse en secret. Les nouvelles de notre campagne ne doivent pas être divulguées. Notre attaque sera foudroyante. Ni poussière ni messager ne doivent l’annoncer. Et puisque nous avons quelqu’un qui ouvrira les portes, Bagdad perdra alors son prestige et s’effondrera sous les sabots de nos coursiers.
HALAOUN. - Cela signifie que nous n’avons pas beaucoup de temps pour nous dire adieu.
LE ROI. - À l’aube, l’armée doit avancer avec tous ses harnachements et tout son équipement. Notre armée est toujours mobilisée et quelques heures suffisent pour tout compléter. La rapidité de l’exécution nous facilitera la tâche d’anéantir tous les approvisionnements sur la route ou les bloquer. Et quand nous serons à proximité de Bagdad, les soldats devront se reposer, se dissimuler le jour et avancer la nuit. C’est le meilleur moyen pour garantir la surprise.
HALAOUN. - Peut-on vraiment compter sur le vizir et ses hommes ?
LE ROI. - Ils seront comme les chiens, ils lécheront nos bottes et mendieront nos bonnes grâces. Les murailles de Bagdad sont inexpugnables, mon fils, et si je n’étais pas certain de les détruire de l’intérieur je n’y lancerais pas notre armée. Elle périrait en se battant contre ses blocs de pierres.
HALAOUN. - Il n’y a donc qu’à sonner le cor de la mobilisation générale. LE ROI. - Ce sera un jour mémorable ! Bagdad la majestueuse s’affaissera et se couchera avec toute sa splendeur devant les armées du roi des ‘Ajams5. Un ancien rêve de Mounkatem ibn Daoud et de son père avant lui. Viens, mon fils. Je sonnerai du cor avec toi en ce grand jour.
Le roi Mounkatem saisit la main de son fils Halaoun et ils sortent.
5 ‘Ajam(s) : ce mot signifie à l’origine « non-arabe » ou désigne une personne qui ne parle pas arabe. Avec le temps, le terme a désigné les Perses sous l’angle ethnique presque exclusivement.
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