Page 7 - Programme du concert de Jean-Claude Pennetier au Théâtre des Champs-Elysées
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Mazurkas, avec ses appoggiatures, ses retards et contretemps, ses mélismes raffinés. Ici cependant le contraste principal est produit par le contrepoint fortement diatonique, qui semble proposer une armature ri- goureuse à la plainte enjôleuse du thème initial, laquelle finit par la ron- ger de ses chromatismes. Comme la Fantaisie K. 475, la mélodie en forme de sicilienne est entrecoupée de deux épisodes en majeur qui n’apportent pas de vrai soulagement, tandis que les reprises du refrain se fleurissent d’ornementations de plus en plus chromatiques – tout comme dans l’Ada- gio de la Sonate en ut mineur.
Peut-être faut-il trouver la portée de cette œuvre énigmatique dans ce qu’écrivit, à peine un mois plus tard, Mozart à son père : « Comme la mort (pour la prendre exactement) est le vrai but de la vie, je me suis depuis quelques années tellement familiarisé avec cette véritable et très chère amie de l’homme que non seulement son image n’a plus rien d’effrayant pour moi, mais au contraire elle m’est très apaisante, et réconfortante ! Je remercie mon Dieu de m’avoir accordé le bonheur de pouvoir recon- naître en elle la clef de notre vraie félicité. Je ne me couche jamais sans penser que le lendemain peut-être, si jeune que je sois, je ne serai plus là. Et pourtant personne de tous ceux qui me connaissent ne peut dire que je sois chagrin ou triste dans ma fréquentation. Et de ce bonheur je remercie chaque jour mon Créateur, et le souhaite de tout cœur à chacun de mes semblables ».
Cette familiarisation avec la mort qu’arborait Mozart dans sa correspon- dance, chacune des œuvres réunies ce soir témoignent qu’elle fut gagnée à la force du poignet, par une confrontation ouverte et méthodique avec toutes les terreurs qui hantent la conscience humaine.
F. Schubert : Sonate n° 18 en sol majeur D. 894
(Molto moderato e cantabile ; Andante ; Menuet : allegro moderato – Trio (molto legato) ; Allegretto)
Cette sonate fut composée au retour d’un des rares voyages de Schubert hors de Vienne, qui le conduisit notamment dans les hautes montagnes de l’Autriche. C’est pourquoi, peut-être, on entend dans le premier déve- loppement du thème du premier mouvement un « yodel », que Schubert affectionne lorsqu’il veut traduire la joie exubérante (on le retrouve no- tamment dans la Belle Meunière, « Das Wandern », « Mein! », et dans la 17e Sonate, dite Gastein). Mais comme toujours chez Schubert, l’orage n’est jamais loin et les nuages s’accumulent régulièrement autour du voya- geur au coeur trop léger.





























































































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