Page 126 - Bonhams Cornette Saint Cyr, Property from the estate of Jean-Pierre Rousset (1936-2021)
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Image courtesy of the Victoria and Albert Museum, London Image courtesy of the Cleveland Museum of Art, Cleveland
Cette sculpture fut réalisée alors que le bouddhisme était florissant, du moins nominalement, car il ne bénéficiait pas du soutien officiel
durant une période instable de chaos et de guerre, sous la dynastie et de la vénération que les peuples d’Asie intérieure prodiguaient à
Jürchen des Jin (1115-1234). Ce que les Jürchen, un peuple la religion indienne. Une pléthore de sculptures bouddhiques en bois
nomade des steppes, accomplirent en moins de quinze ans (entre ont été créées en particulier pour les centres d’activité religieuse de
1114 et 1127) est sans équivalent. Ils triomphèrent sur les deux plus Taiyuan et du mont Wutai.
puissantes grandes nations d’Asie orientale, les Khitan et les Chinois.
Ils absorbèrent les premiers, excepté un petit nombre qui s’enfuit Le soutien au bouddhisme durant la dynastie Jin est manifeste par
vers l’ouest et qui deviendra les Kara Khitai. Les seconds cédèrent le le nombre restant de sutra sculptées sur des tablettes en pierre,
tiers nord de leur territoire, soit la Chine ancienne, jusqu’à la frontière et par l’ambitieuse production d’une nouvelle édition imprimée
formée par la rivière Huai. La Chine ne sera réunifiée que 150 ans plus officielle du canon bouddhique, achevée au Shanxi en 1192 ; voir
tard, puis sous les Mongols, un autre conquérant venu d’au-delà des Tao-chung Yao, Buddhism and Taoism under the Chin, dans H. C.
frontières du nord. Mais alors que les Jürchen firent irruption dans Tillman et S. H. West, China under Jurchen Rule: Essays on Chin
l’Histoire, faisant des conquêtes plus rapidement qu’ils ne pouvaient Intellectual and Cultural History, New York, 1995, p.174. Le soutien
les planifier, leur nouvelle dynastie Jin devait faire face à de nombreux des Jürchen au bouddhisme est aussi rendu visible par la qualité
problèmes de gouvernement et d’organisation de l’état. et l’importance des sculptures encore existantes de cette époque.
Ces grandes sculptures en bois, à la surface décorée à l’origine de
L’ordre social Jin était très volatile, évoluant rapidement, et cela tout au peintures colorées, étaient réalisées pour des temples bouddhiques
long de leur histoire. A l’origine, les Jürchen n’avaient pas de système du Nord de la Chine. De nombreux temples dans le Nord de la Chine
référant, avec d’anciens dignitaires et les traditions qu’ils établirent étaient aussi vastes que des palais, et contenaient une série de cours
pour le gouvernement d’état se rapprochèrent de celles ayant favorisé entourées de magnifiques bâtiments voués au culte, à l’enseignement
la stabilité de la précédente dynastie des Liao, qu’ils venaient de et au logement des moines. Les dirigeants Jürchen de la dynastie
vaincre. Les Jürchen n’ont pas d’écriture jusqu’en 1120, aucune Jin s’appuyèrent sur cette tradition, adoptant progressivement le
histoire en tant que nation, de grandes difficultés à empêcher les clans bouddhisme comme religion d’état à la place du shamanisme, et
tribaux de se battre entre eux et à gouverner un empire multiethnique. créant un riche héritage de temples, tombes et objets.
Dans ce contexte, le bouddhisme s’est épanoui sous la dynastie Jin. Le drapé profondément sculpté et la riche ornementation sur des
Les peuples des steppes, comme les Jürchen, étaient très conscients sculptures de cette taille, ainsi que les pigments préservés, laissent
du fait que le bouddhisme n’était pas une religion chinoise autochtone. imaginer la splendeur et l’impressionnant effet visuel qui attendaient
En particulier au cours des siècles de renaissance néo-confucéenne les visiteurs de temples. Ils auraient alors rencontré cette image dans
dans la Chine des Song, le bouddhisme y était quelque peu dénigré, un décor élaboré comprenant des peintures murales couvrant tous
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