Page 130 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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CHEZ LOUIS FÉRAUD
Avec ce nouvel emploi, et cet appartement que je partageais dans le 8 ème
arrondissement, entre le boulevard Malesherbes et la rue de la Boétie,
j'empruntais chaque matin la rue des Saussaies, pour atterrir au 88, rue du
Faubourg Saint Honoré, à ma droite se situait la place Beauvau et le Ministère
de l'Intérieur, et juste en face de chez Louis Féraud, au numéro 55 la Présidence
de la République.
Je garde le souvenir de mon arrivée dans cette maison de couture. Le
vendeur responsable de la boutique m’avait prise immédiatement en
sympathie et mise à l'aise en présentant toute l'équipe de la maison, dont Zaza
l'épouse du couturier et sa fille Kiki, ainsi que le studio de création composé
deux jeunes femmes nordiques.
Lorsque le directeur artistique arriva, le silence semblait rompre la
bonne ambiance de l'équipe. Il était d'origine norvégienne, il s'appelait Per
Spook, impressionnant par la taille et le style, il avait une certaine
ressemblance avec Anthony Perkins. Intimidée, je n'osais le regarder et il passa
devant moi dans une totale indifférence qui se produisit à plusieurs reprises
dans la journée. Ce que je ne savais pas encore, c'est qu'il m'observait
discrètement. Le lendemain la même scène se répéta, puis, stupéfaction
générale, il s'approcha de moi avec beaucoup de gentillesse, se présenta,
observa mes dessins et me conseilla, puis me prit en sympathie, chose
étonnante pour tout le personnel qui avait l'habitude de voir en lui un
personnage froid, condescendant et distant. Il était totalement différent avec
moi, la petite nouvelle de la maison à laquelle il portait soudainement un vif
intérêt.
Peu de temps après il me proposa une invitation en soirée. J'acceptais,
très intimidée, et m'emmena dans un restaurant qui existe toujours, « chez
Pierrot » rue Etienne Marcel près des Halles, puis expliqua m'avoir remarquée
dès mon arrivée chez Louis Féraud, ce qui me toucha énormément. Il ajouta
que je n’avais rien d’une fille ordinaire, mais qui dégageait une certaine
personnalité. De plus, il faut dire que même si j'étais passionnée par ce monde
de la haute-couture, je n'avais pas adopté le look des jeunes filles des années
70, puisque je m'habillais avec des tenues dénichées aux puces de Portobello
road à Londres et aux puces de Paris, dans le style Greta Garbo.
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